COVID-19 : Les algorithmes de diagnostic ont manqué d’efficacité

COVID-19 : Les algorithmes de diagnostic ont manqué d’efficacité

Lorsque la crise sanitaire nous a frappés en 2020, l’intelligence artificielle (IA) a été une source d’espoir dans le combat contre le virus de la COVID-19. Les outils développés à partir d’algorithmes promettaient de nous aider à dépister le virus et à contribuer au tri dans les hôpitaux. Cependant, près d’un an plus tard, force est de constater que les machines n’ont pas offert la panacée escomptée.

C’est ce que révèle un article du MIT Technology Review aux États-Unis qui rapporte que malgré des centaines de modèles d’IA développés dans le monde depuis avril 2020, peu d’entre eux ont véritablement été efficaces pour aider les professionnels de la santé à lutter contre la pandémie.

« Tous les modèles ont tort, mais le partage des données et de meilleurs rapports pourraient améliorer la situation » -Laure Wynants, professeure adjointe, Université de Maastricht

Voilà la conclusion d’une étude publiée l’an dernier dans le British Medical Journal et citée par le MIT Technology Review.

Les auteurs de cette recherche ont examiné 232 modèles de diagnostic et de prédiction des symptômes de la COVID-19.

De ceux-ci, aucun n’était adéquat pour l’utilisation clinique et seulement deux d’entre eux offraient des résultats « prometteurs ».

« Tous les modèles ont été évalués comme présentant un risque de biais élevé ou incertain, principalement en raison d’une sélection non représentative des patients témoins, de l’exclusion des patients qui n’avaient pas vécu l’événement d’intérêt à la fin de l’étude, d’un risque élevé de surapprentissage du modèle et d’un rapport peu clair », ont indiqué les auteurs de l’étude Modèles de prédiction pour le diagnostic et le pronostic du COVID-19 : examen systématique et évaluation critique (traduit de l’anglais).

MAUVAISE MÉTHODOLOGIE ET ABSENCE DE VALIDATION

Une autre recherche menée par les Universités de Cambridge et de Manchester et publiée dans la revue scientifique Nature Machine Intelligence souligne de son côté les pièges de l’IA dans l’aide au diagnostic.

Après avoir sélectionné 62 études sur des outils de dépistage de la COVID-19 utilisés conjointement à des radiographies thoraciques et tomodensitogrammes, les scientifiques en sont arrivés à la conclusion « qu’aucun des modèles identifiés n’a d’utilité clinique potentielle en raison de défauts méthodologiques et/ou de biais sous-jacents ».

Selon les auteurs, les études liées à ces outils manquent souvent de documentation décrivant une méthode reproductible, ou alors cette méthode ne suit pas les meilleures pratiques pour développer un modèle d’apprentissage automatique.

De plus, certaines études n’avaient pas de validation externe suffisante pour justifier l’applicabilité plus large de la méthode cernée, affirment les experts.

Le gouvernement du Canada a lui-même encouragé une initiative similaire faisant appel à l’IA et des radiographies thoraciques et tomodensitogrammes, qui est dirigée par chercheurs de l’Université de Waterloo et du Conseil national de recherches Canada (CNRC).

Effectivement, ces derniers ont lancé un projet intitulé COVID-Net dont l’objectif est d’établir des modèles d’IA à libre accès, et de grandes bases de données organisées d’images systématiquement traitées.

« Ces outils pourraient aider les hôpitaux, les fabricants de dispositifs médicaux et les entreprises de logiciels à trouver des solutions novatrices de dépistage assisté par l’IA utiles pour la pandémie actuelle et les pandémies futures, ou d’autres infections pulmonaires » -site Internet du CNRC

BESOIN DE PLUS DE TEMPS

Pour Guy Wolf, professeur agrégé au département de mathématiques et de statistique de l’Université de Montréal et expert en biologie computationnelle, ces critiques à l’endroit des modèles de diagnostic sont « un peu biaisées ».

« Les procédures d’approbation pour des outils d’IA que l’on retrouve par exemple à la Food and Drug Administration aux États-Unis ou la National Health Service au Royaume-Uni ne sont pas adaptées à un temps de pandémie. La plupart des outils ont été développés durant la dernière année, c’est très peu de temps pour faire des essais cliniques », explique-t-il.

De plus, l’accès à des spécialistes en santé pulmonaire et virologie pour valider les données utilisées durant le développement des outils étant limité durant la pandémie, la création d’algorithmes en a souffert, selon M. Wolf.

En effet, un rapport publié en juin dernier par le Alan Turing Institute au Royaume-Uni souligne que le manque d’accès à des données « robustes », les inégalités sociales vécues par les patients, ainsi que le manque de communication entre les chercheurs ont mis un important frein à une application efficace des algorithmes dans la bataille contre la COVID-19.

Toutefois, tout n’est pas sombre d’après ceux-ci : « Si la communauté peut faire des progrès dans ces domaines, alors la prochaine fois que nous serons confrontés à une pandémie, nous devrions être mieux placés pour y répondre collectivement », indiquent les auteurs de Data science and AI in the age of COVID-19.

Pour sa part, le professeur Wolf pense tout de même que les efforts déployés par la communauté scientifique depuis 2020 ont permis des bonds de géant dans le domaine de l’IA appliqué en santé.

Nous pourrons en récolter les fruits dans deux ou trois ans, moment auquel des outils de diagnostic efficaces seront prêts à nous aider à combattre une éventuelle prochaine pandémie, selon lui.

Crédit photo: Pexels/Anna Shvets