La lumière fera-t-elle fonctionner les ordinateurs de demain?

La lumière fera-t-elle fonctionner les ordinateurs de demain?

Un chercheur de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) veut repousser les limites matérielles des processeurs. Grâce à ses travaux dans le domaine de la photonique, Roberto Morandotti souhaite créer un ordinateur surpuissant faisant appel à la lumière dans ses opérations, ce qui annoncerait une nouvelle ère en intelligence artificielle (IA).

Une des lois de Moore (des lois à propos de la puissance de calcul des ordinateurs) concerne la densité des puces électroniques. Celle-ci statue que cette densité, et par le fait même la capacité de calcul des puces, doublent chaque deux ans.

Toutefois, cette règle n’est plus à jour, puisque les processeurs faits de transistors en silicone ne peuvent plus suivre la cadence de l’innovation.

Ces millions de composants électroniques sont entassés au niveau microscopique sur les puces, et plus on les confectionne petits, plus il y a de chance que les électrons qu’ils transmettent (la particule élémentaire à la base de leur fonctionnement) se perdent en chemin, ce qui a pour résultat des erreurs de calcul et l’instabilité du système informatique.

Comment alors poursuivre l’ascension de la puissance de calcul, tant nécessaire à l’innovation du numérique?

Plusieurs alternatives aux ordinateurs classiques sont déjà à l’étude, incluant les processeurs quantiques, qui utilisent le Qubit dans ses opérations au lieu du bit classique. Ceux-ci pourraient exploiter les propriétés quantiques des particules pour exécuter certaines opérations plus rapidement.

ET LA LUMIÈRE FUT

Pour sa part, le professeur de physique à l’INRS, M. Morandotti, explore l’utilisation d’une autre particule élémentaire, le photon, source de toute lumière, pour construire son processeur optronique (aussi appelé « photonique »).

« Les gens sont à la recherche d’alternatives à l’informatique traditionnelle, et les photons offrent une piste intéressante, car ils sont beaucoup plus rapides que les électrons », explique-t-il.

Le chercheur affirme que s’il était possible de transmettre de l’information avec des photons, les ordinateurs optroniques auraient le potentiel d’être beaucoup plus rapides et de consommer moins d’électricité que les ordinateurs courants.

Dans une récente étude à laquelle il a participé, le professeur propose l’idée d’un « réseau neuronal optique, capable de reconnaître et de traiter des données et des images à grande échelle et à des vitesses de calcul ultra élevées, au-delà de dix mille milliards d’opérations par seconde ».

Pour ce faire, le chercheur entrevoit l’utilisation de lasers et de technologies déjà présentes sur le marché pour construire son processeur.

« Nous pourrions utiliser ce que nous appelons des micropeignes (de l’anglais microcombs) faits de verre et compatibles avec les matériaux électroniques que nous possédons. Ensuite, il nous serait possible de créer des couleurs et de les manipuler grâce à ce processus. À partir de cela, nous pourrions utiliser ce processeur pour faire des opérations dans les domaines informatiques classiques et quantiques, ainsi qu’en IA », souligne le professeur Morandotti.

APPLICATIONS ET LIMITES

Bien que sa recherche puisse paraître ancrée dans le futurisme, des applications concrètes liées à la photonique arrivent à grands pas, selon le professeur Morandotti.

« Nous avons plusieurs projets en cours, incluant la reconnaissance vocale. On pourrait ainsi transformer les ondes sonores en signaux qui peuvent être transmis par la fibre optique », insiste-t-il.

En fait, puisque les processeurs photoniques pourraient faire partie de tous les ordinateurs dans un avenir rapproché, ceux-ci aideraient éventuellement à toutes sortes d’opérations auxquelles s’attaquent quotidiennement nos ordinateurs de silicone.

« On ne réinvente pas la roue. On cherche plutôt à intégrer de nouveaux procédés à ceux qui existent déjà dans l’informatique classique » -Roberto Morandotti, chercheur, INRS

Mais avant de parvenir à une commercialisation de ces processeurs de verre et de lumière, il faudra surmonter quelques obstacles.

« Un des principaux défis est la mise à l’échelle ( de l’anglais scalability) afin d’assurer une bonne compatibilité avec les matériaux électroniques sur le marché. Cela est causé par les limites de grandeur des dispositifs de fibre optique actuels. De plus, les réseaux neuronaux optiques ont besoin d’être entraînés comme la plupart des modèles d’apprentissage automatique. Nous n’avons pas accès aux mêmes ressources que Google et Facebook pour ce faire, ce qui nous demande donc beaucoup de temps pour l’entraînement de nos réseaux neuronaux », affirme le chercheur.

Crédit photo: Pexels/Masha Raymers