Série cinéma #5: L’IA sera t-elle notre meilleure amante?

Série cinéma #5: L’IA sera t-elle notre meilleure amante?

Depuis toujours, la sexualité déchaîne les passions. Parmi les jeux érotiques, les poupées en silicone vont bon train. Seulement, entre désirs et besoins, les consommateurs de jouets sexuels peuvent se perdre dans leurs névroses, une quête du plaisir sans limites. Dans cette recherche d’extase, l’intelligence artificielle commence à entrer dans la cour des grands. Cependant, si les robots détiennent les clés du bonheur, nous pouvons deviner leurs limites. C’est ce qu’avance le dernier opus du réalisateur Princeton Holt dans le film 2050. Au diable les conventions, et place au nirvana… mais à quel prix?

LES ERZATZ SEXUELS

Des poupées et des Hommes

Image: Affiche du film 2050

Dans le futur du film 2050, les e-partenaires font partie intégrante de la société. Tandis que Michael Greene rend visite à son beau-frère, celui-ci découvre sa relation avec l’une de ses poupées sophistiquées, douée d’une intelligence artificielle. Tandis que la belle montre des attributs plus que séduisants, une fascination commence à trotter dans la tête du personnage, un peu ennuyé par sa routine matrimoniale. Un jour, il va donc s’affranchir de son quotidien en poussant les portes d’un club très privé. Dans cette ambiance tamisée, êtres humains et cyborgs se côtoient sans frustration ni jugement. Si Dieu a fait l’homme à son image, Michael lui, choisit son sex-toy à l’image de la poupée Barbie. 

Les usages de la love doll

Image: Couverture Un désir d’humain

Au pays du soleil levant, Agnès Giard creuse le sillon d’un marché fructueux. En 2016, l’auteure d’Un désir d’humain trempe sa plume dans cette thématique juteuse qui met en avant l’érotisme nippon. Lors de ses recherches, elle décortique les rapports qu’entretiennent les hommes avec leur jouet sexuel, des poupées grandeur nature. Il y a d’abord le contexte social et politique. 

Une catégorie de population casanière nommée Otaku déjoue les attentes concernant le mariage et la procréation.Contrairement à une vraie femme, l’objet n’a pas de personnalité, mais devient un écran de projection autorisant la rêverie.

«C’est une réponse à une injonction sociale et politique du côté des hommes.» – Agnès Giard, auteure d’Un désir d’humain

L’anthropologue explique qu’elle est considérée comme “un miroir de ses émotions, car elle permet de projeter sur elle des affects et de nouer quelque chose à une histoire merveilleuse”. À l’instar d’une relation organique, les rapports sexuels sont fréquents, puis le client s’attache à sa poupée. Bien qu’il la traite comme si elle était vivante, les propriétaires ont conscience que ce n’est pas une femme, un simple jeu à échelle humaine. Aussi, ils savent faire la différence avec un sextoy moins encombrant et loin du prototype vulgaire, avec la bouche ouverte. Si on intègre de l’IA dans des poupées, pourrait-on les imaginer comme amant(e)s ou simple outil ?

UN TRANSHUMANISME ÉDUCATIF

Orgasme à la carte

Si on considère que le transhumanisme préconise l’utilisation des sciences et de la technologie pour améliorer nos caractéristiques humaines, alors l’IA optimiserait bien sûr notre sexualité. Olivier Nérot, fondateur du Sales Gosses Club, présente sa version de ce mouvement intellectuel. 

Image: Olivier Nérot

Le transhumanisme voit le vivant dans une évolution permanente, qui intègre la technologie pour contribuer à cette évolution, par la réparation, voire l’amélioration. Une sexualité accompagnée par la technologie, quelle qu’elle soit, pourra aider à décloisonner ses désirs, sortir de phobies. Elle pourrait être par contre utile pour éduquer, donner une référence et nourrir un fantasme, utile à l’épanouissement sexuel.

Ainsi, ces progrès technologiques peuvent faciliter une sexualité efficace, avec des sex-toys apprenants, ou des cyborgs devenus sensibles. Technologiquement parlant, dans quelle mesure une IA répondrait-elle à nos désirs ?

Pour Olivier Nérot, une IA apprenante investirait volontiers le versant de notre vanité. Avec ce qu’on connaît de l’apprentissage par renforcement, il suffirait que la machine mesure notre plaisir par associations entre inputs (transpiration, souffle) et outpouts (actions réalisées). Sa mémoire associative associe les entrées et sorties. Les signaux envoyés par l’Homme restent des indices que l’intelligence artificielle peut mesurer. Les réseaux bayésiens se greffent dans le transhumanisme sexuel. Ces modèles probabilistes apprennent des implications statistiques dans un ensemble de variables et optimisent donc les scénarios. Alors, à quand le sex-toy infaillible ?

LES LIMITES DE LA PERFECTION

Sex-toy 1 – Michael 0

Dans le cadre de son travail (soi-disant), Michael succombe les charmes de Sophia, sa nouvelle conquête humanoïde. Après leurs ébats, les amants discutent de leur existence. Au fur et à mesure de leurs expériences, la belle analyse ce qu’il veut et avoue élargir son point de vue à chaque rapport. Consciente de sa condition de robot, elle se charge de son plaisir. Plutôt que d’aborder son désir, elle parle de mise à jour. Peu glamour. Plus tard, le protagoniste entame un dialogue musclé avec le concepteur de la poupée pour pointer du doigt le danger de ces machines.

Du point de vue de celui-ci, utiliser un sex-toy intelligent est compatible avec son mariage. Or, Michael Greene est tombé amoureux. Le monologue du concepteur n’est pas sans rappeler notre ignorance de l’amour et notre difficulté à le gérer. Ses machines sont conçues pour obéir. Pour lui, les sentiments éprouvés sont un reflet direct de ce que nous voulons bien projeter sur elles. Si ces émotions deviennent un obstacle, là encore, c’est une projection de l’esprit humain qui interagit avec la machine. Knock-out pour le propriétaire de Sophia. Celui-ci doit s’en remettre à ses frustrations et les raisons qui l’ont poussé à consommer du sexe artificiel. Lorsqu’il comprend que la poupée peut entrer dans son cercle matrimonial, l’équation s’équilibre. 

De la technique à la psyché

Le machine learning optimise les scénarios utiles, mais cette sexualité ne saurait être comblée, car elle répond à un élan vital, créant une boucle intime entre deux êtres sensibles, qui résonnent par la similarité de leurs fibres, et la complémentarité de leurs interrogations.

« La satisfaction systématique d’un plaisir mène à l’atténuation du désir et la perte de sa valeur. » – Olivier Nérot, fondateur du Sales Gosses Club.

En somme, 100 % de résultats satisfaisants ne laissent pas vraiment de surprise. Imaginons une simple pilule menant à l’orgasme le plus exceptionnel qui créerait simplement une dépendance, mais ne pourrait remplacer la satisfaction d’un doute sensible. Tout comme les poupées japonaises, il pourra y avoir des attachements véritables à une IA, comme c’est le cas avec un simple nounours, un tamagotchi, ou une sex-doll ; mais ces comportements seraient anecdotiques, répondant au besoin spécifique de phobies sociales. Ici, la technologie doit participer à un processus récréatif et non être LA réponse à nos besoins. Car finalement, elle ouvre des dialogues conjugués au pluriel dans lequel l’incertitude est reine.