Datagotchi : une application capable de deviner votre intention de vote ?

Imaginez qu’une intelligence artificielle (IA) soit capable de prédire pour quel parti politique vous voterez à partir de vos habitudes de vie. C’est ce que propose Datagotchi, une application ludique et éducative en vue des élections provinciales le 3 octobre prochain.

Reposant sur une technologie innovante utilisant l’intelligence artificielle, Datagotchi a été développée par une équipe de recherche multidisciplinaire de la Chaire de leadership en enseignement des sciences sociales numériques (CLESSN) de l’université de Laval.

Une première version de cette plateforme web aux allures de jeu vidéo « rétro » – dont le nom est une variante du célèbre jeu Tamagotchi, né dans les années 90 – est lancée lors des élections fédérales de 2021, grâce à l’initiative du professeur Yannick Dufresne, co-fondateur de la boussole électorale.

Adaptée aux élections provinciales, Datagotchi revient avec une nouvelle version visant à encourager la réflexion sur les comportements politiques en lien avec nos habitudes de vie.

« Avec ce projet, on vise à influencer l’intérêt des gens envers la politique, susciter des discussions et les sensibiliser. »

– Simon Coulombe, co-créateur de Datagotchi

Une IA pour susciter l’intérêt politique

Au travers d’un questionnaire d’une trentaine de questions, l’application explore nos comportements et nos modes de vie, faisant évoluer notre avatar au fil des réponses. L’objectif étant de déterminer le parti pour lequel l’utilisateur prévoit voter pour les prochaines élections provinciales.

En cas d’erreur de prédiction, l’application permet aux utilisateurs d’indiquer leur intention de vote afin d’améliorer l’algorithme. De plus, il est possible de jouer avec les différentes variables en déverrouillant le simulateur pour permettre de voir ce qui fait changer les résultats, et ainsi mieux comprendre ce que révèle chacune de nos habitudes de vie.

« Avec ce projet, on vise à influencer l’intérêt des gens envers la politique, susciter des discussions et les sensibiliser », mentionne, en entrevue avec CScience, Simon Coulombe, professeur agrégé, titulaire de la Chaire de recherche Relief en santé mentale, autogestion et travail, et co-créateur de Datagotchi.

Nos modes de vie peuvent révéler nos intentions de vote

Pour réussir à concevoir une intelligence artificielle capable de prédire les intentions de votes des utilisateurs, Yannick Dufresne et ses collègues se sont appuyés sur des recherches effectuées sur les modes de vie et sur l’expertise de spécialistes en sciences sociales, en ingénierie, en mathématique, ou encore en mesure de l’opinion public. Cette équipe multidisciplinaire a ainsi identifié des marqueurs essentiels pouvant refléter notre appartenance à des groupes ou des sous-groupes partageant des idéologies.

Pris individuellement, ces marqueurs ne permettent pas d’établir un modèle pertinent de prédictions. C’est la combinaison de ces différents indicateurs de mode de vie, formant une constellation de marqueurs, qui permet de traduire les intentions de vote des utilisateurs. « Il faut tenir compte de toutes les variables qui composent nos patterns généraux de mode de vie. Par exemple, être un fan du film Le parrain ne veut pas dire la même chose lorsqu’on a 90 ans que lorsqu’on en a 22 », précise Simon Coulombe.

Sensibiliser à l’utilisation des données en ligne

Au-delà de son aspect ludique, Datagotchi soulève la question de l’utilisation des données personnelles sur internet et de leur utilisation à des fins souvent commerciales. En effet, l’application vise également à sensibiliser les utilisateurs au sujet des traces numériques, aussi anodines soient-elles, que l’on peut laisser sur internet au fil de nos navigations, et qui dévoilent des données sur nos habitudes de vie.

« Il est important de garder à l’esprit que si des personnes malveillantes ont accès à ces données-là, elles peuvent prédire des choses à propos de vous et les utiliser à votre encontre », prévient Simon Coulombe, co-créateur de l’application.

C’est pourquoi les données des internautes sont collectées de manière confidentielle et anonyme sur la plateforme qui, de plus, est encadrée par un comité éthique scientifique qui interdit le partage des informations recensées avec des entreprises ou des partis politiques.

Vers une application santé mentale et bien-être

Au cours des prochains mois, ces enjeux éthiques seront au cœur des réflexions de l’équipe du professeur Dufresne, puisqu’elle réfléchit actuellement au développement d’une version dédiée à la santé mentale et au bien-être. L’étude des modes de vie intégrant déjà certains comportements liés à la santé individuelle, certaines variables actuelles de l’application pourront être réutilisées pour le développement du prochain Datagotchi. Les chercheurs s’interrogent donc sur la capacité de l’application à prédire le degré de bonheur d’un individu et de lui fournir des suggestions visant à améliorer sa santé mentale et son bien-être, sans pour autant se définir comme un outil d’assistance médicale, « afin d’éviter qu’un individu puisse penser qu’il est en dépression à la suite d’une erreur d’algorithme », précise Simon Coulombe.

Crédit Image à la Une : Datagotchi