L’entretien épistémique en quatre grandes questions (et réponses!)

L’entretien épistémique en quatre grandes questions (et réponses!)

Comment, à l’heure où les fausses nouvelles sont omniprésentes sur Internet, discuter avec une personne qui croit à ces fausses informations? Dans le cadre du congrès de l’AESTQ du 20 et 21 octobre derniers, la conférence Convaincre cordialement sans débattre – Entretien épistémique du professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières Antony Bertrand-Grenier présente une piste de solution concrète afin d’améliorer la conversation entre humains, particulièrement à l’ère du numérique : l’entretien épistémique.

Pourquoi les débats traditionnels ne fonctionnent-ils pas toujours?

M. Bertrand-Grenier explique que les débats sont très fréquemment dogmatiques : souvent, les différents partis prenant part au débat n’ont aucune ouverture à changer d’avis et souhaitent plutôt convaincre l’autre qu’il a tort. Une méthode de communication qui s’avère peu efficace, considérant que présenter des faits à l’autre pour le faire changer d’avis fonctionne rarement, entre autres en raison de nos biais cognitifs.

Quelques biais cognitifs et comportements qui nuisent aux débats, selon M. Bertrand-Grenier :

  • – Le biais de croyance : « On aime croire vraies les idées qui nous plaisent, même si elles sont fausses. Si elle va dans le sens de ce qu’on veut croire, on va y croire. »
  • – Le retour de flamme : « plus on va montrer des faits à une personne qui veut croire que ses croyances sont vraies, plus elle va s’ancrer dans sa croyance et refuser de croire ce fait. »
  • – L’ultracrépidarianisme : « Affirmer quelque chose que l’on ne connaît pas. » L’humain confond souvent croyance et connaissance, et la conversation épistémique tente d’une certaine manière de les différencier.

Qu’est-ce que l’entretien épistémique?

« C’est un dialogue respectueux qui explore et questionne la fiabilité des méthodes utilisées lors du processus de formations des croyances », résume le professeur, qui est également physicien médical. Lors de la discussion épistémique, trois principaux aspects sont abordés avec l’autre : ses croyances (le quoi), ses raisons d’y croire (le pourquoi) et ses méthodes qui lui permettent de déterminer que ce qu’il pense est vrai (le comment).

L’entretien épistémique cherche à convaincre l’autre en lui posant des questions plutôt qu’en essayant de le convaincre que notre position est véridique et lui montrant des faits. Cette méthode de communication peut fonctionner avec n’importe quel sujet : conspirations, sexisme, racisme, horoscope, etc.

Quelles sont les principales règles d’or de l’entretien épistémique?

Cette technique demande à toujours rester dans le questionnement, en tentant au meilleur de nos capacités d’écouter l’autre attentivement (et non penser à notre prochaine question à poser) de manière empathique, intéressée, cordiale. Il faut aussi essayer d’oublier tout ce que l’on sait, les faits nous étant ici très peu utiles.

En entretien épistémique, la discussion se base sur les croyances et les définitions de l’autre, sans débattre ou argumenter sur celles-ci, ni parler de nos propres croyances.

Et comment arriver à une certaine victoire dans tout ça, particulièrement si l’autre maintient ses mêmes opinions? Lorsque l’autre répond « je ne sais pas » à une de nos questions, ou s’il cesse de parler. « S’il y a un moment de silence, c’est que la personne réfléchit. Ça, c’est un moment de victoire [parce que] le but n’est pas forcément de faire changer l’autre d’idée immédiatement, mais de mettre une roche dans un soulier. »

À quoi peut ressembler ce type de discussion?

La conférence de M. Bertrand-Grenier est grandement basée sur les travaux d’Anthony Magnabosco et sa méthode de « Street epistemology ». Pour en savoir plus sur cette méthode communicationnelle, la chaine YouTube de M. Magnabosco est un véritable laboratoire testant l’efficacité du dialogue épistémique.

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Crédit Image à la Une : Roxanne Lachapelle