Ordinateur quantique d’IBM à Bromont : une journée historique et « un pas de géant » pour le Québec

Ordinateur quantique d’IBM à Bromont : une journée historique et « un pas de géant » pour le Québec

Ce vendredi 22 septembre se tenait, sous les applaudissements et regards chargés d’émotion, le dévoilement du Quantum System One d’IBM, dans les locaux de l’International Business Machines Corporation à Bromont. CScience a pu voir de près les installations du superordinateur quantique, qui promet des retombées majeures pour divers secteurs économiques du Québec.

Destiné à l’usage exclusif de la Plateforme d’innovation numérique et quantique du Québec (PINQ2) et de ses organisations membres, le Quantum System One sera mis à la disposition d’entreprises et de chercheurs au profit de l’innovation et de nouvelles perspectives pour le développement durable, grâce à un centre de recherche mondial qui sera basé au Québec et qui sera parrainé par Hydro-Québec et l’Université de Sherbrooke via son Institut quantique.

Un outil révolutionnaire

Dévoilement de l’ordinateur quantique. (Photo : Chloé-Anne Touma)

« Comme politicien, on voit souvent des annonces, mais on ne voit jamais le fruit de ce qui arrive après l’annonce… Je peux vous dire qu’un an et demi après avoir lancé les deux premières zones d’innovation (à Sherbrooke et Bromont), de venir ici ce matin et voir le fruit de cet apport me rend très heureux », a lancé d’entrée de jeu le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon lors du discours inaugural, ajoutant que le Québec franchit « un pas de géant qui va favoriser la croissance de l’écosystème des sciences quantiques », l’attraction d’entreprises et d’investissements, et la formation de nouveaux talents.

@chloe_decode J’ai pu assister au dévoilement de l’ordinateur quantique d’@IBM, le Quantum System One, à Bromont lors de son inauguration le 22 septembre. Voilà de quoi ça a l’air ✨ #quantique #ibm #ordinateurquantique #bromont #quebec #canada ♬ original sound – Chloe decode

« Sa puissance de calcul sera mise à profit pour accélérer les projets en recherche et développement et d’innovation des entreprises et chercheurs d’ici et d’ailleurs. Les projets se concentreront sur les domaines de l’énergie – très pertinents pour nous –, des sciences de la vie, et du développement durable (…) C’est une excellente nouvelle pour les Québécois, alors qu’on développe, ici au Québec, une filière de batterie verte avec des leaders mondiaux. »

– Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

Quatrième ordinateur quantique opéré par IBM à travers le monde, après ceux des États-Unis, de l’Allemagne et du Japon, le Quantum System One du Québec renforcera son positionnement en tant que leader de classe mondiale en science quantique et en innovation, le gouvernement provincial ayant financé sa fabrication en y investissant 68 millions de dollars. « Sa puissance de calcul sera mise à profit pour accélérer les projets en recherche et développement et d’innovation des entreprises et chercheurs d’ici et d’ailleurs. Les projets se concentreront sur les domaines de l’énergie – très pertinents pour nous –, des sciences de la vie et du développement durable (…) C’est une excellente nouvelle pour les Québécois, alors qu’on développe, ici au Québec, une filière de batterie verte avec des leaders mondiaux. On va accélérer la recherche de solutions quantiques qui vont permettre de renforcer le leadership du Québec, et nous donner un avantage concurrentiel important dans les secteurs stratégiques », a ajouté le ministre.

« En faisant évoluer ces technologies ensemble, nous saisissons l’opportunité de repousser les limites de ce qu’il est possible de faire, et de trouver des solutions pour résoudre les problèmes les plus complexes. »

– Jay Gambetta, vice-président d’IBM Quantum

« C’est un jour d’une importance monumentale pour IBM, a souligné quant à lui Jay Gambetta, vice-président d’IBM Quantum. Pendant les dix-huit derniers mois, nous avons travaillé avec nos partenaires pour établir un pôle d’innovation et de leadership technique au Canada, fondé sur la robustesse, et consacré à la propulsion de l’informatique quantique et le calcul haute performance. En faisant évoluer ces technologies ensemble, nous saisissons l’opportunité de repousser les limites de ce qu’il est possible de faire, et de trouver des solutions pour résoudre les problèmes les plus complexes. » [Traduction libre]

Jay Gambetta. (Photo : Chloé-Anne Touma)

« Ça incarne le modèle partenarial qu’on aimerait tout le temps voir à l’université (…) Pour que l’électron se rende à l’ordinateur, l’université a besoin de partenaires industriels, de soutien gouvernemental, et de partenaires issus d’autres universités comme l’ÉTS », a suggéré le recteur de l’Université de Sherbrooke, Pierre Cossette.

Pierre Cossette. (Photo : Chloé-Anne Touma)

« C’est cette recherche d’innovation qui nous a propulsé des années 60 jusqu’à aujourd’hui – journée qui marque l’arrivée de l’un des ordinateurs quantiques commerciaux les plus performants au monde, et on a la chance de l’avoir ici (…) d’autant plus que cet ordinateur quantique va disposer d’un accélérateur de découvertes, le ‘IBM discovery accelerator’, qui combine intelligence artificielle, calcul quantique et infonuagique », a précisé la députée de Brome-Missisquoi et ministre responsable du Sport, du Loisir et du Plein air, Isabelle Charest.

Isabelle Charest. (Photo : Chloé-Anne Touma)

D’apparence comparable à un curieux lustre sorti tout droit d’un film de science fiction lorsque regardé de près, l’ordinateur quantique est notamment composé d’une structure enveloppante en or pur. Mais c’est plutôt sur ce qu’il y a à l’intérieur, son processeur, qu’il repose essentiellement, et où se trouvent les qubits dont il faut contrôler l’état. « Un processeur d’ordinateur quantique, c’est une puce, sans mémoire, sans disque, qui requiert un environnement HPC (calcul haute performance) pour connecter avec des machines », explique Alexis Gouslisty, Chef des technologies chez PINQ2. Ainsi, le modèle System Quantum One peut supporter jusqu’à 127 qubits.

Superordinateur quantique à Bromont. (Photo : Chloé-Anne Touma)

Questionné par CScience en point de presse à savoir si PINQ2 allait garantir l’orientation d’un quota de projets en faveur du développement durable, le directeur général de la Plateforme, Éric Capelle, a indiqué que « C’est l’une de nos priorités et c’est aussi la mission de PINQ2. On a choisi de miser sur la thématique de l’environnement durable, qui est aussi une priorité économique du Québec puisqu’on parle de batterie et d’optimisation du réseau de l’énergie. Mais ce sont aussi des sujets naturels pour le quantique, qui apporte de la valeur dans la résolution de problématiques dans plusieurs domaines : chimie des matériaux, médicaments, simulation pour répondre aux feux de forêts, etc. »

Mais a-t-on une idée des délais possibles avant qu’une percée majeure, telle que la découverte d’un remède ou d’une solution révolutionnaire, émane de l’informatique quantique ? « Il y a 20 ans, on n’aurait pas imaginé ce qu’on fait aujourd’hui avec l’intelligence artificielle. En quantique, on est maintenant à une phase homologue, où on passe de la recherche au monde industriel, et où il est difficile de faire de vraies promesses et prévisions temporelles, a entamé M. Capelle. Nous sommes au début de l’aventure. Si on parle de découverte de médicaments, on a atteint la limite des technologies actuelles, et il s’agit de voir si le quantique peut faire de nouvelles avancées en la matière ou pas. Ça risque de se faire en trois ou quatre ans, et on est très optimistes. »

Pierre Fitzgibbon et Éric Capelle. (Photo : Chloé-Anne Touma)

« Il y a un an, on a développé la Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation 2022-2027 (SQRI2), a renchéri le ministre Fitzgibbon. C’est la toile de fond, qui mise sur des zones d’innovation horizontales, comme le quantique et l’intelligence artificielle, parce qu’on a pensé que ce serait très performant. Mais elle mise aussi sur des zones verticales, comme la batterie et la santé. Alors ce qu’il est important de comprendre, c’est que nos industries en innovation verticale ont besoin de bénéficier d’une puissance de calcul supérieure à celle des ordinateurs traditionnels. »

« C’est vrai que ça consomme de l’énergie, mais on a essayé, avec nos partenaires, d’en minimiser l’impact sur l’environnement, alors toute la chaleur qu’on récupère va permettre de chauffer des habitations, ce qui représente une première en Amérique. Par ailleurs, les ordinateurs quantiques sont beaucoup moins énergivores que les ordinateurs classiques, ce qui veut dire qu’on va pouvoir résoudre des problèmes bien plus complexes en consommant toutefois beaucoup moins d’énergie. »

– Éric Capelle, directeur général de la PINQ2

Bien que les centres de données du Québec soient plus verts qu’ailleurs, CScience a également interpellé PINQ2 et IBM quant au fait que l’intelligence artificielle – évoquée comme étant l’un des champs d’intérêt économique et d’exploration du domaine quantique – dépendait du traitement d’une énorme quantité de données, une réalité semblant incompatible avec les visées de développement durable. « C’est vrai que ça consomme de l’énergie, mais on a essayé, avec nos partenaires, d’en minimiser l’impact sur l’environnement, alors toute la chaleur qu’on récupère va permettre de chauffer des habitations, ce qui représente une première en Amérique. Par ailleurs, les ordinateurs quantiques sont beaucoup moins énergivores que les ordinateurs classiques, ce qui veut dire qu’on va pouvoir résoudre des problèmes bien plus complexes en consommant toutefois beaucoup moins d’énergie », a rappelé M. Capelle.

« En effet, l’enjeu de la durabilité des systèmes informatiques est très important. Mais la réalité, c’est que le quantique va justement aider en ce sens, maintenant et à l’avenir. Pensons à tous les problèmes et calculs que les ordinateurs classiques résolvent en consommant énormément d’énergie, et que les ordinateurs quantiques pourront faire de façon beaucoup plus économe, notamment grâce à la combinaison avec l’intelligence artificielle », de proposer Alessandro Curioni, Vice-Président de l’accélérateur de découvertes chez IBM. [Traduction libre]

Crédit Image à la Une : Chloé-Anne Touma

Extrait de la conférence de presse :

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