Adoption de l’IA en entreprise : pour bien mener cette transition

Adoption de l’IA en entreprise : pour bien mener cette transition

Devant l’éventail grandissant de possibilités qu’amène l’intelligence artificielle, bon nombre d’entreprises ne savent pas où débuter pour lancer un projet d’IA, ni comment l’expliquer à une équipe interne souvent dépourvue de la bonne expertise. 

Lors de la conférence Comment se passe une transition vers l’IA?, organisée le 10 octobre par MoovAI, la directrice d’IA de l’entreprise, Marie-Odette St-Hilaire, ainsi que le directeur de l’innovation numérique du Groupe Canam, Patrick Martin, ont proposé des moyens efficaces d’y parvenir.

Premiers pas en IA

Tout projet requiert trois informations de base, explique Patrick Martin : l’échéancier, la portée et le budget. « Dans un projet d’IA, la plus grande différence que j’ai observée est que l’on n’est pas capable de se projeter aussi loin, de projeter un projet deux ans à l’avance (…) C’est plus difficile de garder le focus sur un projet d’IA, parce que la proposition évolue », raconte-t-il.

« C’est plus difficile de garder le focus sur un projet d’IA, parce que la proposition évolue. »

– Patrick Martin, directeur innovation numérique du Groupe Canam

Cette imprévisibilité nécessite que des stratégies soient mises en place, notamment en sous-divisant le projet en se demandant les problèmes que notre produit tente de régler. Il faut ensuite privilégier ces sous-problèmes, en les caractérisant selon divers critères comme la complexité et sa valeur d’affaires.

« Une fois qu’on a caractérisé ces sous-projets, on se débarrasse de toutes les idées à faible valeur d’affaires, évidemment. On se retrouve avec deux types de projets intéressants : les quick wins (bons coups rapides) qui ont une grande valeur d’affaires avec une faible complexité, et les long shots (succès sur le long terme), qui ont une grande valeur d’affaires et une grande complexité », avance Marie-Odette St-Hilaire. Elle recommande pour une entreprise débutant en IA de se lancer avec un projet quick win, afin de gagner en confiance et de mieux comprendre graduellement cette technologie.

Elle conseille également de voir tout projet d’IA comme un marathon, découpé en petits sprints de trois semaines. Au bout de chacun de ces sprints, prendre le temps de regarder le progrès accompli, les erreurs commises et les perspectives pour le futur peut aider à garder une équipe motivée. « De découper un projet en grosses et petites phases, ça aide à garder notre souffle et à mettre l’emphase sur les objectifs à court terme. On a bien sûr toujours la ligne d’arrivée en tête, mais pour rester motivé, je crois que les objectifs à court terme sont essentiels », estime Mme St-Hilaire.

Bien réussir sa transition vers l’IA

Les deux conférenciers ont noté quelques éléments clés pour bien réussir une transition vers l’IA. Ils préconisent l’inclusion de différents types de professionnels dans les discussions entourant le projet. Pour guider le projet adéquatement, Marie-Odette St-Hilaire soutient qu’il faut avoir « des gens business qui connaissent très bien le domaine d’affaires et l’entreprise, et des gens forts en technique, qui ont déjà livré des projets d’IA et qui vont être capables d’évaluer la complexité et la longueur du projet. »

Patrick Martin évoque aussi la diversité et l’hétérogénéité d’une équipe réussie. « Avoir des gens tous pareils dans une équipe pour mener un projet d’IA ou d’innovation, pour moi, c’est une erreur. » Il croit que les différences d’âge, d’expertise, de niveau de créativité et de curiosité peuvent être une force au sein de l’équipe. « Pour moi les compétences techniques sont importantes, mais le fait de pouvoir travailler ensemble en est une autre, et c’est ce qui est le plus difficile à avoir, au début. »

« Pour moi les compétences techniques sont importantes, mais le fait de pouvoir travailler ensemble en est une autre, et c’est ce qui est le plus difficile à avoir, au début. »

– Patrick Martin, directeur innovation numérique du Groupe Canam

Cette capacité à travailler en équipe sur un projet commun dépend en bonne partie de la compréhension qu’ont les employés du projet. Comprendre un projet technologique, surtout en IA, peut être chose difficile, alors que près de la moitié des Québécois (44,6%) estiment avoir des connaissances faibles ou inexistantes en IA, selon un sondage pour Innovation, Sciences et Développement économique du Canada de 2020.

Patrick Martin rappelle que la curiosité est une caractéristique essentielle pour tous ceux œuvrant en IA, et qu’il s’agit d’une porte d’entrée vers une meilleure compréhension de cette technologie complexe. Il évoque aussi l’importance de reconnaître nos angles morts, d’accepter que des choses nous dépassent, et de s’assurer de parler le même langage au sein de l’équipe. M. Martin évoque aussi l’idée des activités de team building (renforcement de la cohésion d’équipe) comme manière d’apprendre à comprendre l’IA et son langage complexe.

L’IA, une solution viable?

Plutôt que de voir l’IA comme une menace, Patrick Martin choisit de la voir comme une aide, même s’il reconnaît que « le travail clérical a plus de risque d’évoluer ». Selon lui, l’IA continuera d’amener une meilleure efficacité et « elle ne me remplacera pas, elle sera une aide à la décision, un outil (à la) résolution de problème », mais la question à savoir « comment on va prendre cette opportunité et la faire travailler pour nous? » reste sujet à réflexion.

« Pour avoir confiance envers un logiciel, il faut le comprendre. L’IA est un peu une boîte noire, donc c’est difficile d’acquérir cette compréhension. »

– Marie-Odette St-Hilaire, directrice d’IA de Moov AI

Cette opportunité n’est pas sans risque, rappelle Marie-Odette St-Hilaire, qui identifie trois principaux risques liés aux projets d’IA : une trop grande complexité de la tâche à accomplir, la difficulté d’implanter un nouvel outil dans un environnement technologique déjà existant, et la résistance au changement. Une telle résistance est typique lors de projets innovateurs, notamment en raison du manque de confiance envers l’IA : « Pour avoir confiance en un logiciel, il faut le comprendre. L’IA est un peu une boîte noire dont il est difficile de maîtriser le fonctionnement. »

Devant cette avenue risquée, mais remplie d’opportunités, Marie-Odette Saint-Hilaire insiste sur la nécessité pour les entreprises de réfléchir à la pertinence de l’IA comme solution à leur problème : « L’IA est un type de solutions, et il en existe d’autres (…) Pour un problème égal, si on a deux solutions, on prend la plus simple. S’il existe un outil, une solution sur le marché qu’on peut acheter et qui fait 80% au moins de ce que vous voulez, je vous inviterais à en comparer les coûts. Ça peut valoir la peine d’adopter un outil avant d’en développer un! »

Crédit Image à la Une : Roxanne Lachapelle

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