Ce qui apparaît d’emblée avec la mention de force, c’est un certain rapport de force. Comme si l’une des intelligences pouvait écraser l’autre. Mais cette opposition entre l’IA forte et l’IA faible est plutôt une distinction de genre ou de catégorie et non celle d’une force dominante sur une autre.
L’IA faible doit être comprise comme une IA limitée. Bien que l’une soit plus autonome que l’autre, sa distinction n’est pas toujours évidente dans la mesure où tous les systèmes intelligents tendent à devenir chacun de plus en plus autonomes.
L’intelligence artificielle passe de faible à forte par un certain degré d’autonomie. On aurait très bien pu faire une distinction de type inoffensif versus dangereux, ou encore contrôlée versus non contrôlée, mais ces qualifications auraient engendré des craintes. Si l’on peut parler de puissance plutôt que de force, alors on comprendrait qu’une a plus de puissance que l’autre, sans toutefois que les deux ne s’affrontent.
Autrement dit, l’IA forte ne cherche en aucun cas à maintenir un rapport de force avec l’IA faible, seulement l’une a potentiellement un pouvoir sur nous tandis que l’autre n’est qu’un simple outil.
Mais sa faiblesse pourrait éventuellement nous causer des torts, du fait même que ses capacités sont trop limitées. Le journaliste George Dvorsky, assez catastrophiste, est persuadé que cette IA faible pourrait endommager notre réseau électrique, des centrales nucléaires ou encore brouiller le contrôle d’une usine ou d’installation militaire. Cette IA est sous-jacente à nos infrastructures qui deviennent de plus en plus numériques et interconnectées, devenant ainsi plus vulnérables, plus faibles en d’autres termes.
Le rapport de force semble alors davantage se définir comme un rapport que l’IA entretient avec nous plutôt qu’un rapport des deux types d’intelligence artificielle entre elles.
I. DÉFINITIONS COURANTES DES DEUX TYPES D’IA
a) L’intelligence artificielle faible
Une IA faible est définie comme une intelligence limitée à l’exécution de tâches précises et elle est non sensible.
Pour la fonction, il est clair que nous comprenons qu’il s’agisse d’une technologie orientée vers l’exécution de tâches que nous lui attribuons. Puis, c’est un outil intelligent dans la mesure où il est capable d’améliorer son procédé par lui-même, mais toujours avec instructions.
Alors, SIRI ou ALEXA d’Amazon sont-ils des outils intelligents faibles? Oui, ils le sont, ce qui peut nous rassurer. On pourrait aussi répondre qu’ils le sont, pour le moment. En effet, ces systèmes, bien qu’ils fonctionnent avec la reconnaissance vocale, sont plutôt limités au niveau des tâches à effectuer.
Mais le fait que l’IA faible soit non sensible demande une autre réflexion. On pourra le comprendre avec la définition courante de l’IA forte.
b) L’intelligence artificielle forte
La force de l’IA, c’est sa capacité de plus en plus grande à s’apparenter à l’être humain. Si l’IA faible est non sensible, c’est parce que l’IA forte a pour vocation d’avoir non seulement une intelligence épurée, mais également une intelligence sensible qui analyse les sensations. Une vocation folle? C’est ce que nous verrons.
On peut se rassurer tout de suite en affirmant, avec l’ensemble des chercheurs dans le domaine, que l’IA forte n’est pour l’instant qu’à l’état de projet ambitieux. Mais pour combien de temps?
Certaines applications tendent de plus en plus à se rattacher à notre sensibilité intelligente, comme dans le cas des cyborgs ou encore des voitures autonomes dotés d’une multitude de sensors (ou capteurs en français – notons simplement que le terme anglais est plus représentatif du désir de ressemblance avec l’humain).
L’objectif d’une IA forte est de devenir de plus en plus forte et, en définitive, de ressembler le plus possible à l’intelligence humaine. Elle est même comparée à la conscience et la sensibilité des êtres humains.
II. FORCES ET FAIBLESSES DES INTELLIGENCES ARTIFICIELLES
On comprend mieux maintenant comment l’une peut être faible par rapport à l’autre. Mais il ne s’agit pas forcément d’une opposition entre ces deux formes de systèmes intelligents.
a) Un rapport de gradation
Il s’agit plutôt d’une gradation. En effet, le terme anglais narrow, pour désigner l’IA faible, nous invite à revoir la compréhension des qualificatifs faible et fort. C’est plutôt une intelligence artificielle limitée à ses fonctions de base. On lui oppose alors l’intelligence artificielle générale (artificial general intelligence – AGI).
Selon le philosophe John Searle, les termes d’IA faible et IA forte s’expliquent, car la seconde émet la déclaration la plus forte. C’est-à-dire que l’intelligence artificielle forte, sous forme d’une hypothèse scientifique, est beaucoup plus puissante que la première. Elle suppose que quelque chose de tout à fait particulier est arrivé à la machine. L’IA forte par son désir fou de s’apparenter à notre intelligence va jusqu’à imaginer qu’elle puisse avoir une conscience.
« L’IA forte pourrait continuer à se programmer plus intelligemment, à tout moment, à des vitesses en croissance exponentielle. »
Mais une fois atteinte, cette intelligence forte, tendra inévitablement à se perfectionner. Alors, à la fois son adaptation et son amélioration constante en feront, inévitablement une intelligence supérieure à la nôtre. En voilà un rapport de force !
c) La superintelligence artificielle – artificial superintelligence
Certains chercheurs, comme David Chalmers, pensent que la superintelligence apparaîtra rapidement après la création d’une intelligence artificielle forte.
C’est l’hypothèse partagée par plusieurs, dont Elon Musk, d’une intelligence qui surpasserait la nôtre. Est-elle folle ou non? Le futur nous le dira. En exemple, les scientifiques conduisent actuellement des recherches pour réaliser une émulation complète du cerveau humain. D’autres misent sur une amplification sans limites de notre propre cerveau.
CONCLUSION
À la suite de ces considérations, on ne pourrait pas affirmer que l’IA faible se transforme en IA forte car toutes deux ne sont pas de la même nature. Cependant, on peut dire qu’une IA forte supplantera un jour notre intelligence pour devenir une superintellingence.
Alors, dans le cas de la superintelligence nous pourrons vraiment parler d’un rapport de force, mais cette fois-ci entre une intelligence artificielle devenue sensible et la nôtre.
BIBLIOGRAPHIE
Chalmers, David; The Conscious Mind: In Search of a Fundamental Theory; 1996.
Dorobantu, Marius; Human-level, but not Humanlike: The Strangeness of Strong AI; AI Theology portal, 2021.
Dvorsky, George, How Much Longer Before Our First AI Catastrophe?, Gizmodo, 2013.
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