ChatGPT : utiliser l’outil de manière responsable en éducation

ChatGPT : utiliser l’outil de manière responsable en éducation

Comment intégrer ChatGPT au collégial selon différents besoins pédagogiques? Comment le faire de manière prudente, encadrée, et bénéfique à la fois pour les étudiants et les professeurs? Le 28 septembre, le webinaire Exploiter ChatGPT dans différents contextes pédagogiques de l’Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC) s’est penché sur ces questions par une « exploration des opportunités pédagogiques de ChatGPT ».

Durant un échange d’une heure, les professeurs au Cégep de Lanaudière à l’Assomption Jean-Luc Trussart et Christian Frénette ont listé des fonctionnalités de ChatGPT encore grandement méconnue dans le corps professoral des cégeps.

Chat GPT 101

Les professeurs ont, en guise d’introduction, rappelé ce qu’est ChatGPT. Il s’agit à la fois d’une intelligence artificielle générative (IAG) et d’un agent conversationnel. Autrement dit, ChatGPT est un outil capable de produire du contenu grâce à des algorithmes de prédiction et de dialoguer avec l’utilisateur afin d’accomplir certaines tâches. Certaines de ses principales tâches sont de faire de la récapitulation, de la catégorisation, de l’extraction de données, de la traduction, et de la génération de contenu.

https://www.cscience.ca/2023/08/22/chatgpt-levolution-de-loutil-dune-version-a-lautre/

Pour que ChatGPT fonctionne de la manière la plus fidèle aux besoins de l’utilisateur, le professeur de philosophie Christian Frénette recommande une certaine typologie des usages. « On essaie d’abord de décrire un contexte, un problème. La deuxième étape est la tâche, ce que vous voulez que ChatGPT fasse. Le troisième élément est le format; comment voulez-vous que ChatGPT vous réponde? », résume-t-il.

Cette structure de base, composée de trois éléments, peut être précisée en y ajoutant des demandes supplémentaires. L’utilisateur peut notamment indiquer le ton souhaité, l’objectif de la réponse, les mots-clés à inclure, les points de vue à prendre en compte, le rôle que ChatGPT doit adopter, etc.

Pourquoi utiliser ChatGPT? Pour ses bénéfices nombreux, tant sur le plan de l’augmentation de l’efficacité des professeurs que sur celui de la facilitation des apprentissages des élèves, mais aussi parce que l’IAG fait inévitablement de plus en plus partie de leur quotidien. Microsoft annonçait récemment que la prochaine version de Windows, Windows 11, allait remplacer l’assistant virtuel Cortana par l’outil d’IAG Windows Copilot. En réaction à cette nouvelle, le professeur en Techniques d’intégration multimédia, Jean-Luc Trussart, avance l’idée que « tranquillement, l’IAG va s’intégrer dans les suites bureautiques de Google et de Microsoft. C’est déjà annoncé que ça s’en vient. Peut-être que dans un an, on ne parlera même plus de ChatGPT puisqu’il sera inclus dans nos outils quotidiens. »

Également, « en intégration multimédia, en production de contenu, en rédaction, ce n’est plus vrai qu’en 2023, on peut faire fi de ChatGPT. J’encourage (mes élèves à utiliser ChatGPT), parce que sur le marché du travail, ils en auront besoin pour être productifs », ajoute-t-il.

L’IAG pour faciliter l’enseignement

Dans le premier volet du webinaire, MM. Trussart et Frénette démontrent les forces de ChatGPT comme outil d’enseignement pour mieux planifier, communiquer et évaluer. Au niveau de la planification, il est possible de demander à cet outil d’IAG de produire la structure d’un cours sur un sujet donné, de présenter sous forme de graphique la distinction entre deux concepts, ou encore de proposer des activités ayant un but pédagogique précis.

Les réponses données par ChatGPT « ne sont pas parfaites, ne sont pas faites par un professeur, mais ce sont quand même une bonne base pour commencer à réfléchir à la manière dont on veut travailler notre cours plutôt que de partir d’une feuille vide », souligne M. Trussart.

« ChatGPT ne va pas faire le travail à votre place. ChatGPT va vous faire gagner 20%, 30% d’efficacité sur une tâche parce qu’il va faire un premier jet, vous aider à gagner du temps. »

– Christian Frénette, professeur de philosophie au Cégep de Lanaudière à l’Assomption

ChatGPT peut aussi être un outil de communication. M. Trussart donne comme exemple le fait qu’un professeur pourrait demander à l’outil d’IAG de formuler une réponse sur un ton professionnel et éducatif à une question reçue par courriel. En termes d’évaluations, ChatGPT peut produire une étude de cas, créer des grilles d’évaluation (si on lui indique les consignes du travail, les niveaux de maîtrise et la forme de la grille), ou encore créer des questionnaires codés sous différents formats, tels que Moodle XML.

« ChatGPT ne va pas faire le travail à votre place. ChatGPT va vous faire gagner 20%, 30% d’efficacité sur une tâche parce qu’il va faire un premier jet, vous aider à gagner du temps », itère Christian Frénette.

Favoriser les apprentissages avec ChatGPT

Le second volet du webinaire illustre comment ChatGPT peut favoriser de meilleurs apprentissages pour les étudiants. L’outil peut agir en tant que tuteur, paramétré selon les besoins de l’élève, ou encore jouer un rôle, en répondant comme le ferait un personnage historique ou une personne recrutant lors d’un entretien d’embauche, par exemple.

La production de contenu reste le pan qui effraie le plus le milieu de l’éducation. L’idée qu’un élève puisse demander à une technologie de créer des travaux sans faire d’effort inquiète. Christian Frénette indique cependant que plusieurs fonctions de ChatGPT liées à la production de contenu peuvent être pratiques pour le milieu de l’enseignement, notamment quant à l’édition, la correction et la révision de textes : « Est-ce que c’est problématique, est-ce un ajout, est-ce que ça devrait être utilisé seulement selon certains critères? Je vous laisse la question, et je crois que la communauté doit discuter de ça. »

« C’est l’idée qui terrifie tous les profs : suis-je en train de corriger un robot? »

– Christian Frénette, professeur de philosophie au Cégep de Lanaudière à l’Assomption

Mais la réalité demeure qu’au-delà de ces fonctions bonifiant un texte, ChatGPT peut compléter des travaux à la place d’un étudiant. « C’est l’idée qui terrifie tous les profs : suis-je en train de corriger un robot? », estime M. Frénette. Même la technologie peine à déceler des textes écrits par l’IAG, rendant le problème complexe.

En guise de solution, M. Frénette invite les professeurs à discuter d’IAG avec leurs étudiants, mais aussi à la tester. Il expérimente présentement avec ChatGPT pour l’un des travaux de ses cours : il compte demander à ses étudiants d’amener un brouillon fourni par ChatGPT, pour que celui-ci soit ensuite bonifié et restructuré par l’étudiant.

Possibilités, limites et enjeux

De plus en plus de ressources existent pour aider les professeurs à mieux comprendre l’IAG. L’UNESCO a développé un guide d’utilisation de l’IA en enseignement supérieur, tandis qu’OpenAI a développé une section dédiée aux professeurs en leur donnant des exemples de prompt à utiliser dans leur approche pédagogique. « La boîte de Pandore est déjà ouverte, (…) il va falloir réfléchir à comment l’intégrer, en tant qu’enseignant, dans nos cours. », fait valoir Jean-Luc Trussart.

Malgré tous les avantages potentiels relevés par les professeurs lors du webinaire, ils rappellent que l’IAG reste une technologie limitée. ChatGPT a été entrainé sur du contenu créé par l’humain; il arrive parfois que l’outil reproduise des biais que l’on trouve chez l’humain. « Je pense qu’il faut une éducation à ce sujet pour les étudiants parce que ce n’est pas nécessairement apparent, on a l’impression que ChatGPT est neutre », croit Christian Frénette.

Cette technologie a aussi tendance à « halluciner », c’est-à-dire à inventer des informations, lorsqu’elle est poussée trop loin : « L’assistant est aussi bon que la personne qui le pilote. (…) ChatGPT prédit la réponse, et il est programmé pour répondre quelque chose, même si c’est faux. Un étudiant n’ayant pas l’habileté de discerner ce qui est vrai de ce qui est faux peut (se faire avoir) », ajoutent les professeurs.

Ils concluent en soulevant des enjeux à considérer dans des discussions sur la direction future de l’IAG. L’impact de cette technologie sur la formation à travers le réseau pédagogique, sur la posture de professeurs, sur les différentes politiques d’école, sur l’environnement et sur la protection des données est entre autres à prendre en compte pour le développement d’une IAG responsable, éthique et bénéfique.

Crédit Image à la Une : Unsplash, montage CScience

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