L’IA se développe à un rythme très rapide. Si rapide qu’il est parfois difficile de suivre la cadence. Fort heureusement, dans un contexte d’adoption de l’IA par les entreprises, nous n’avons pas à nous soucier de maîtriser pleinement toutes ces technologies de l’IA. Il s’agit plutôt de nous spécialiser et d’ajouter ces puissants outils à notre arsenal. ChatGPT en est un bel exemple.
Ce nouvel engin conversationnel (chatbot) utilisant l’IA, conçu par l’entreprise Open AI, a été salué par plusieurs comme étant l’un des engins conversationnels les plus avancés à ce jour. Notre collègue Roger Vandomme nous a fait part de son expérience avec celui-ci dans sa chronique publiée en début d’année.
Un atout pour les entreprises
En tant que dirigeant d’une entreprise conceptrice de produits utilisant la compréhension du langage, je suis très heureux de cette avancée scientifique réalisée par Open AI avec son application ChatGPT. Il s’agit d’un outil de plus que nous pourrons incorporer à nos produits pour mieux répondre à certains besoins spécifiques de nos clients.
En tant qu’observateur impliqué dans l’écosystème IA, je trouve que ChatGPT est aussi une excellente nouvelle pour l’adoption de l’IA par nos entreprises au Québec. L’effervescence médiatique autour de ChatGPT est un « boost » marketing incroyable qui, je l’espère, achèvera de convaincre les sceptiques qui n’ont pas encore mesuré pleinement en quoi l’IA pouvait les aider dans leurs tâches quotidiennes, et pouvait leur permettre d’augmenter leur efficience organisationnelle, leur croissance et leurs bénéfices.
Des ressources à mobiliser
ChatGPT est une application qui démontre bien les avancées majeures en IA réalisées au cours des dernières années. D’un point de vue technique, c’est une application basée sur les LLM, c’est-à-dire les grands modèles de langage (Large Language Models). En fait, ce sont les LLM qui représentent une avancée majeure dans l’univers de l’IA. Open AI n’est pas la seule entreprise à utiliser ce type de modèle. Google Translate, Siri ou Alexa sont d’autres exemples d’applications utilisant les LLM.
« Construire un tel modèle LLM, mais surtout l’entraîner, c’est comme construire un nouveau modèle de Formule 1 et bien le calibrer (…) Or, très peu d’organisations peuvent se payer ce type de Formule 1. Sommes-nous arrivés à la croisée des chemins où la conception de l’IA ne sera accessible qu’aux équipes de Formule 1 ? »
Mais ce qui est important de savoir, c’est que les LLM utilisent beaucoup de données et de puissance de calcul pour leur entraînement. À titre d’exemple, le modèle LLM « davinci GPT-3 » d’Open AI (modèle moins récent que celui utilisé par ChatGPT) compte 175 milliards de paramètres et a utilisé près de 10 000 GPUs et 285 000 CPU (cœurs) en puissance de calcul. L’entraînement de « davinci GPT-3 » a nécessité plus de 400 milliards d’unités textuelles. Construire un tel modèle LLM, mais surtout l’entraîner, c’est comme construire un nouveau modèle de Formule 1 et bien le calibrer. Il faut beaucoup de gens, de puissance de calcul et d’argent pour y arriver. Or, très peu d’organisations peuvent se payer ce type de Formule 1.
Sommes-nous arrivés à la croisée des chemins où la conception de l’IA ne sera accessible qu’aux équipes de Formule 1 ?
Un marché à exploiter et une occasion à saisir
Il est vrai que, comme cela s’est produit avec la Formule 1, les avancées technologiques finiront par être disponibles dans les automobiles accessibles au commun des mortels. Bien sûr, nous pouvons toujours prendre le même chemin qu’Open AI et nous associer à un géant comme Microsoft (investissement d’un milliard) pour développer la puissance de calcul et la puissance logicielle nécessaires à la création de modèles d’IA tels que les LLM.
Mais cet état de fait m’inquiète un peu quant à l’avenir de notre écosystème IA au Québec et à son positionnement mondial en tant que hub majeur en IA.
J’imagine que vous le saviez déjà, mais je vous le rappelle néanmoins : l’écosystème québécois en IA est présentement positionné au 7e rang du Global AI Index. En effet, selon deux études réalisées par Tortoise et PwC Canada pour le compte de Forum IA, nous nous classons parmi les meilleurs au monde, soit derrière l’Allemagne et devant Israël et les Pays-Bas, selon l’étude de Tortoise. De quoi être très fier !
L’étude révèle aussi que le Québec excelle notamment avec ses piliers de la recherche tels que MILA, IVADO, SCALE AI, OBVIA, IVADO Labs, IDD et le CRIM, pour ne nommer que ceux-ci, au niveau de sa stratégie gouvernementale grâce à l’ampleur des investissements réalisés dans la recherche et l’adoption de l’IA, mais aussi par l’attraction d’un fort niveau d’investissement privé en se classant respectivement 5e (recherche), 6e (stratégie gouvernementale) et 7e (commercialisation).
Par contre, au niveau des infrastructures et de la puissance de calcul, l’étude révèle que nous nous classons au milieu du peloton, c’est-à-dire au 34e rang. En comparaison, le Canada se classe au 17e rang. Ce qui veut dire que nous faisons moins bien que la moyenne canadienne ! Il faut être honnête, nous serions probablement mieux classés si l’étude avait été réalisée après l’annonce par PINQ2 de sa plateforme de calcul haute performance en avril 2022 et l’annonce de l’ordinateur quantique d’IBM.
Je suis encouragé parce qu’il me semble que nous avons tous les ingrédients au Québec, soit le savoir-faire de nos chercheurs universitaires et celui de nos jeunes pousses et entreprises québécoises, pour monter une ou plusieurs équipes de niveau Formule 1 et créer les prochains modèles LLM.
Mais c’est la capacité qu’auront nos chercheurs à disposer d’une puissance de calcul haute performance (HPC) qui m’inquiète. Car c’est la puissance de calcul qui sera le « nerf de la guerre » dans les prochaines années. C’est ce qui viendra aider la recherche universitaire et stimuler l’innovation dans nos entreprises, et ce qui nous assurera de rester un leader mondial au niveau de la recherche universitaire, sans compter que cela accentuera l’adoption de l’IA dans nos entreprises.
Alors la question se pose : « Avons-nous vraiment les moyens de nos ambitions au Québec pour monter des équipes de Formule 1 – IA et soutenir notre recherche universitaire et l’innovation dans nos entreprises ? »
Doit-on revoir nos façons de faire ? Devons-nous être plus nichés dans nos domaines de recherche ? Devons-nous mutualiser nos forces entre entreprises et universitaires ? Il est clair que nous devrons être créatifs.
Je vous laisse le soin d’y réfléchir.
Que l’année 2023 vous apporte bonheur et santé, et qu’elle soit fructueuse pour notre écosystème IA !
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Crédit Image à la Une : OpenAI