L’intelligence artificielle en gestion de projet : où en sommes-nous?

L’intelligence artificielle en gestion de projet : où en sommes-nous?

Notre experte et chroniqueuse Sylvie Leduc propose un survol des éléments clés à connaître pour tirer le meilleur de l’IA en gestion de projet.

Dans mes deux dernières chroniques, je suis retournée aux bases de la gestion de projet, portant un regard multidimensionnel. Ce virage m’était inspiré de divers travaux, lectures et visionnements que j’ai réalisés depuis février dernier sur l’introduction de l’intelligence artificielle en gestion de projet, sous un angle plus agnostique…

Des changements contextuels, rapides et disruptifs…

Menée par deux sommités mondiales en gestion de projets classique – l’une d’entre elles détenant des certifications dans le monde Agile – cette révolution et mon implication très tôt dans leurs réflexions et leurs contenus m’ont menée à hautement questionner toutes mes « connaissances et lectures ».

Après deux classes de maître avec ces messieurs et une soixantaine de gestionnaires de projets issus de plus de 22 pays, ainsi que des invités de marque qui naviguent en IA depuis déjà plusieurs années, voici mes premiers constats…

1. Les effets renversants des outils en IA générative

Mojahid Mottakin. (Pexel)

Les avancées réalisées au cours des derniers mois sont renversantes. Les démonstrations faites des retombées de l’usage de différents outils en IA générative, dans des domaines très pointus, dont l’une centrée sur l’élaboration des requis technologiques et fonctionnels en développement logiciel, sont à couper le souffle. Ces travaux bien précis se retrouvent dans le cadre Agile. Cet analyseur intelligent de requis est un perturbateur ou « game changer » (changeur de jeu) !

Dans un contexte de gestion de projet plus classique, un devoir assigné était d’utiliser ChatGPT d’Open AI avec un exemple de projet, en lui donnant une déclaration de travail (« statement of work ») résumant le projet et une requête très basique : transmettre une liste complète de toutes les parties prenantes impliquées dans ledit projet. Le choix du projet était libre.

« Ces applications produisent une structure de répartition du travail (« work breakdown structure ») en quelques minutes. L’économie de temps en est époustouflante! »

Ma déclaration de travail était consacrée à un projet sur l’introduction d’une ou de plusieurs lois à Ottawa entourant l’intelligence artificielle. La liste des parties prenantes était beaucoup plus complète que je ne l’avais anticipée… sans aucune hallucination!

Nous avons aussi bénéficié de démonstrations ou survols d’outils en IA générative de gestion de projet en architecture, construction, secteur manufacturier de l’automobile, gestion de la chaîne d’approvisionnement, ressources humaines, et j’en passe. Ces applications produisent une structure de répartition du travail (« work breakdown structure ») en quelques minutes. L’économie de temps en est époustouflante! La liste est à revoir par le gestionnaire de projet et son équipe selon le présent contexte entourant le projet, c’est-à-dire les facteurs intrinsèques du promoteur de projet et éléments extrinsèques passés, présents et anticipés, qui devront être considérés. Mais on parle ici de quelques minutes de travail, et non pas de plusieurs heures, comme dans le passé…

En ressources humaines, l’application énonce les profils optimaux des HUMAINS faisant partie d’équipes de projets bien spécifiques, pour en augmenter les chances de succès.

2. Le rôle du gestionnaire de projet

Andreas Klassen. (Unsplash)

a) Le choix des outils en IA générative

Les décisions en approvisionnement reviennent à l’équipe des TI. Toutefois, le/la gestionnaire de projet amènera un apport vital dans ce processus en tant que leader des équipes de projets. Ensemble, ils/elles travailleront avec ces outils, évoluant à vitesse grand V au cours des prochaines années. La qualité des expériences et interfaces utilisateurs/utilisatrices sera primordiale. Il sera aussi impératif de suivre l’intelligence du marché. L’expérience acquise par le ou la gestionnaire de projet ici sera cruciale.

Une fois les outils mis en place, on s’attarde à la suite…

b) L’ingénierie des requêtes

L’un des multiples volets sur auxquels les gestionnaires de projet apporteront une forte valeur ajoutée sera en devenant experts en ingénierie des requêtes/demandes (« prompt engineering ») traitées par les différentes applications/solutions d’IA générative. Cela implique de se concentrer sur l’élaboration de la saisie textuelle optimale, en sélectionnant les mots, les phrases, les structures de phrase et la ponctuation appropriés. Plus vos requêtes seront bien élaborées, plus vos extrants seront pertinents et percutants.

c) En arrière-plan les données : le cœur du travail

Les grands modèles de langage GML (Large Language Model) utilisés comme fondations pour créer un outil en IA générative textuel impliquent un « raclage » (« scraping ») en profondeur du web, incluant des bases de données ouvertes accessibles, avec parfois un peu de recherche plus approfondie.

Les informations transmises par le PDG de Google sont claires et honnêtes. Nous sommes dans une boîte noire… Néanmoins, il y a des balises que l’on peut déjà implanter sur la gestion des données.

Leurs sources, leurs moments respectifs d’extraction dans le temps et leurs qualités des 5 V (Volume, Vélocité, Variété, Véracité et Valeur) sont-elles auditables ? Ceci, pour bâtir des ensembles de données (« data sets ») ayant une structure logique et solide. Je reprends l’expression anglaise : « Data is the new Gold » (les données sont le nouvel or).

d) Le gestionnaire de projet sera le curateur de l’éthique

En classe, plusieurs de nos discussions portaient sur l’éthique. Cinq critères clés en sont ressortis.
1. l’explicabilité : vérifier qu’un adolescent ou une personne âgée comprenne bien l’architecture et le fonctionnement de base de l’outil.
2. L’équité : s’assurer de ne pas générer de biais raciste, sexiste, religieux, culturel, âgiste, etc.
3. La robustesse : garantir que tout le monde soit en mesure d’accéder et d’avoir une réponse de l’outil dans des délais raisonnables.
4. La transparence : faire preuve de transparence.
5. La confidentialité/le respect de la vie privée : l’adhésion aux lois en vigueur dans les différentes juridictions afférentes. Prenons l’exemple des entreprises de la technologie dont Open AI, Meta et Google, qui ont accepté les nouvelles mesures d’encadrement établies par la Maison-Blanche :

https://www.cscience.ca/2023/07/24/ia-de-confiance-le-secteur-des-technologies-prend-de-nouveaux-engagements/

À première vue, un décret exécutif sera introduit. Je suis confiante que ces travaux, reposant sur ces thèmes, auront une influence positive au Canada.

Muchas Gracias à Antonio Nieto-Rodriguez y Muito Obrigada Ricardo Viana Vargas !

Crédit Image à la Une : Montage CScience : Ekaterina Bolovtosva (Pexels) + Windows (Unsplash)