[IA et cancérologie] La place des patients partenaires dans un milieu en changement

[IA et cancérologie] La place des patients partenaires dans un milieu en changement

Les patients sont plus que jamais impliqués dans leur parcours de soins. La présence de « patients partenaires », en oncologie comme dans le reste du système de santé, renforce cette approche plus humaine et centrée sur les besoins du patient.

« Pour moi, un patient partenaire, c’est un patient qui amène une contribution importante au système de la santé. Il n’y a pas plus expert qu’un patient partenaire de sa propre condition », résume Christian Blouin, patient partenaire du CHUM, interviewé dans le cadre du parcours IA-cancérologie organisé par l’École de l’intelligence artificielle en santé du CHUM (EIAS) et la Société canadienne du cancer (SCC), auquel il a participé en tant que membre du comité scientifique du projet. Pour Natalie Mayerhofer, co-fondatrice et adjointe directrice de l’École de l’intelligence artificielle en santé du CHUM (ÉIAS), consulter « Un patient partenaire, c’est mettre un contexte humain à quelque chose de théorique ».

« Il n’y a pas plus expert qu’un patient partenaire de sa propre condition. »

– Christian Blouin, patient-partenaire du CHUM

Ayant reçu un diagnostic de cancer de la prostate il y a un peu plus d’une dizaine d’années, c’est pendant son parcours médical que M. Blouin est devenu patient partenaire. Il a notamment contribué à bâtir un programme et des outils aidant le personnel à reconnaître plus rapidement les signes de détresse psychologique chez les patients atteints d’un cancer.

Le bagage et l’expérience vécue au sein du système de santé font des patients partenaires une ressource très utile et de précieux collaborateurs pour les professionnels de la santé, notamment pour aider à améliorer la qualité des soins reçus, favoriser des pratiques centrées sur le patient, échanger des perceptions, et contribuer aux campagnes de sensibilisation.

Participants lors du Symposium International CITADEL 2023 du CHUM. Photo : Roxanne Lachapelle

Participants lors du Symposium International CITADEL 2023 du CHUM. (Photo : Roxanne Lachapelle)

Ce partenariat permet donc au milieu de la santé de se rapprocher de la réalité des patients, croit Isabelle Girard, directrice des communications pour le Québec à la Société canadienne du cancer. « Ils apportent des idées et une contribution clés dans l’obtention de résultats qui, en fin de compte, seront satisfaisants et ne seront pas déconnectés de la réalité quotidienne des patients. »

Elle ajoute que la participation de patients partenaires est centrale pour la SSC. Cette approche contribue à la mission de défense de l’intérêt public, qui passe aussi par un grand souci des besoins des patients : « On sonde les participants, on se porte vraiment à la défense des personnes qui sont touchées par le cancer. On essaie d’être à l’écoute de leurs besoins et on finance des projets de recherche qui vont aller chercher le plus de bénéfices pour eux », poursuit Mme Girard.

Le rôle du patient partenaire

Le Dr An Tang, radiologiste au CHUM, note l’importance de prendre en considération le point de vue du patient : « Par exemple, moi, j’ai mon langage médical, je veux optimiser la performance, m’assurer qu’on règle le plus de cancers possible. Les priorités des patients peuvent être différentes. »

Le Dr An Tang, radiologiste au CHUM, note que les priorités des patients peuvent différer, d’où l’importance de prendre en considération leur point de vue. « Par exemple, les patients peuvent souhaiter regrouper leurs rendez-vous, réduire le nombre de déplacements à l’hôpital et leur temps de stationnement. » Ces enjeux sont sources de tracas « dont on ne tient pas nécessairement compte dans notre façon d’allouer des rendez-vous (…) L’implication de patients partenaires permet de recadrer le design des études, la logistique, la façon dont les infirmières de recherche vont (planifier) les rendez-vous », expose le radiologiste.

Symposium International CITADEL 2023 au CHUM

Participants lors du Symposium International CITADEL 2023 du CHUM. Photo : Roxanne Lachapelle

En plus de contribuer à cette co-construction, certains patients partenaires peuvent amener une aide plus personnelle à un autre patient. « L’idée, en tant que patient accompagnateur, n’est pas de se substituer au médecin, spécialiste ou intervenant, mais simplement d’être à l’écoute (…) Le fait de parler à un patient accompagnateur peut réduire le niveau d’anxiété. Et cette réduction de la nervosité et du stress a un impact positif sur les prochaines opérations et traitements postopératoires que subit le patient », raconte Christian Blouin.

L’idée est, en quelque sorte, de créer un réseau, une communauté de laquelle le patient est au centre, explique M. Blouin : « Avant, c’était une relation plus paternaliste et hiérarchique, dans laquelle le patient se retrouvait sous la gouverne du médecin et des spécialistes. C’est plus ouvert, inclusif et collaboratif, il y a plus de soutien à tous les niveaux, et les patients partenaires contribuent à ce mouvement. »

Et l’IA dans tout ça ?

Christian Blouin avance que les patients partenaires peuvent aussi s’impliquer de manière importante dans l’amélioration de la dynamique organisationnelle des centres hospitaliers, et la manière dont sont menées des recherches médicales, mais aussi le développement et l’encadrement de l’intelligence artificielle (IA) en santé. M. Blouin a d’ailleurs participé à l’élaboration du Guide des principes d’innovation et d’intelligence artificielle responsables en santé du CHUM, inspiré de la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle.

Ces perspectives permettent notamment de couvrir un angle mort dans la gouvernance des données, et de discuter de mesures possibles afin de protéger les patients quant aux risques liés à l’IA. « Avoir des patients impliqués dans la gouvernance des données, ça peut aussi aider l’acceptabilité sociale de l’IA », estime Catherine Wilhelmy, coordonnatrice du partenariat patient au Centre de recherche du CHUS, consciente des avancées que permet l’IA dans le milieu de la santé.

Le développement de solutions de pointe pour diagnostiquer et traiter les cancers

« L’IA va faciliter l’identification des traitements plus appropriés, parce qu’on s’oriente vers une médecine plus personnalisée. Lorsqu’on fait preuve de curiosité intellectuelle et que l’on se renseigne sur l’IA, on comprend que ses bienfaits dépassent largement les désavantages occasionnés. Le problème est que le niveau de littératie scientifique et numérique est trop bas pour dissiper les craintes », déplore Christian Blouin.

Il estime qu’ « Il ne faut pas se laisser guider par les gens remplis de peur et orientés seulement par les réseaux sociaux », et fait confiance à ceux « qui poussent la recherche et l’innovation ».

Crédit Image à la Une : Unsplash