Dans un monde interconnecté où la santé humaine, animale et environnementale sont étroitement liées, l’approche du « One Health » émerge comme une stratégie essentielle à la lutte contre la résistance aux antibiotiques, soulignant la nécessité d’une collaboration étroite entre les gouvernements, le public et les différents acteurs du secteur de la santé.
L’année 2020 a été témoin d’un tournant dans l’histoire de la santé mondiale, avec l’éclatement de la pandémie de COVID-19. Au-delà de son impact socio-économique colossal, cette crise a mis en exergue l’impérieuse nécessité de la recherche scientifique. La génomique, en particulier, s’est révélée être un atout majeur pour notre compréhension de la propagation du virus.
« Les récentes avancées en microbiologie, notamment dans le domaine de l’analyse génomique et du séquençage bactérien, ouvrent des perspectives très prometteuses pour la préservation de l’efficacité des antibiotiques. »
– Jeannot Dumaresq, microbiologiste-infectiologue et chercheur clinicien associé au Centre de recherche du CISSS de Chaudière-Appalaches
« Les récentes avancées en microbiologie, notamment dans le domaine de l’analyse génomique et du séquençage bactérien, ouvrent des perspectives très prometteuses pour la préservation de l’efficacité des antibiotiques. Ces progrès technologiques permettent désormais de comparer les séquences génomiques de différentes bactéries, ce qui était auparavant impossible », explique Jeannot Dumaresq, microbiologiste-infectiologue et chercheur clinicien associé au Centre de recherche du CISSS de Chaudière-Appalaches.
Dans le sillage de la pandémie, la génomique se trouve au cœur d’un autre défi émergent, celui de l’antibiorésistance, résultat d’une utilisation souvent excessive et inappropriée des antibiotiques. Ce phénomène se traduit par une diminution de l’efficacité des traitements face à des micro-organismes en constante mutation. Il complique la prise en charge des infections et accroît les risques de leur propagation. Au Canada, déjà 26 % des infections bactériennes sont devenues résistantes, un chiffre qui tend à augmenter. Sur la scène internationale, la résistance aux antimicrobiens figure parmi les dix menaces majeures pour la santé publique, avec une projection alarmante de 10 millions de décès par an d’ici 2050.
« Nos nouvelles technologies telles que le séquençage nouvelle génération permettent à présent d’évaluer et d’estimer la résistance aux antibiotiques, car les mécanismes de résistance sont génétiquement codés chez les bactéries. Cela donne ainsi une idée du potentiel de résistance des souches, ce qui est essentiel pour une utilisation judicieuse des antibiotiques », précise le professeur Dumaresq.
Le concept « One Health » ou comment lutter contre l’antibiorésistance
C’est dans ce contexte que bioMérieux, une entreprise française reconnue pour son expertise dans le diagnostic in vitro des maladies infectieuses, s’est illustrée en développant des tests spécifiques pour le COVID-19 en un temps record. Aujourd’hui présente dans 160 pays à travers le monde dont le Canada, elle joue un rôle prépondérant dans la lutte contre les maladies infectieuses. Dans un contexte sanitaire, où les dimensions humaine, animale et environnementale sont interdépendantes, l’approche du « One Health » se présente comme une alternative holistique, soulignant leur indissociabilité, et se déploie comme un levier majeur dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques, enjeu de santé publique mondial de premier plan.
Au croisement de la santé humaine, animale et environnementale, l’initiative « One Health », que l’on peut littéralement traduire par « une seule santé » s’impose comme le fer de lance d’une réponse globale aux enjeux sanitaires contemporains. Lancée au début des années 2000, cette approche intégrative vise à mieux appréhender les maladies émergentes et potentiellement pandémiques. Elle met en lumière les interactions complexes entre les écosystèmes, les pratiques socio-écosystémiques et la santé des populations humaines, animales et végétales.
Jeannot Dumaresq décrit l’approche « One Health » comme étant une initiative qui « revêt une importance cruciale dans la sensibilisation des décideurs et du grand public, ainsi que dans la coordination entre les organismes nationaux, provinciaux et internationaux. Elle représente une perspective éclairée, car se concentrer uniquement sur la santé humaine serait comme porter des œillères. Cela limiterait notre compréhension à une seule facette des enjeux, alors que tout est interconnecté : la santé humaine, animale, l’environnement, la terre et la nature. »
Résistance aux antimicrobiens : une menace en évolution permanente
Si les antibiotiques ont révolutionné la médecine en améliorant les taux de survie face à de nombreuses infections, leur usage abusif a donné naissance à des bactéries de plus en plus résistantes. La propagation de cette résistance s’étend à travers une multitude d’écosystèmes, se diffusant du sol aux animaux, des animaux jusqu’aux humains, et même au sein des réseaux hydriques, créant ainsi un cercle vicieux d’adaptation des micro-organismes aux traitements conventionnels.
« Il est essentiel de reconnaître que si l’un de ces éléments est affecté par une activité humaine, cela peut avoir des répercussions sur l’ensemble du système, touchant même la nourriture que nous consommons mais aussi les animaux qui nous entourent » ajoute ce médecin averti.
« La résistance antimicrobienne a un impact bien plus large que le seul aspect clinique et médical. »
– Jeannot Dumaresq, microbiologiste-infectiologue et chercheur clinicien associé au Centre de recherche du CISSS de Chaudière-Appalaches
La mise en œuvre de l’approche « One Health » représente bien plus qu’une simple stratégie dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens, elle incarne un changement fondamental. En transcendant les frontières entre les secteurs de la santé humaine, animale, de l’agriculture et de l’environnement, cette approche se dresse comme une réponse intégrée à la complexité des défis contemporains. Mettant l’accent sur la transmission des agents pathogènes et les répercussions qui en découlent, elle aspire à briser la chaîne de propagation des infections et à freiner l’évolution de la résistance aux antimicrobiens.
Parallèlement, une utilisation plus réfléchie des antibiotiques s’avère cruciale. Cette démarche vise à maximiser l’efficacité des traitements tout en minimisant les risques d’adaptation des micro-organismes. L’appel à renforcer la surveillance des micro-organismes trouve un solide appui tant dans les travaux scientifiques qu’auprès des décideurs publics, soulignant ainsi son rôle déterminant dans l’anticipation et la maîtrise de leur résistance. Il s’agit là d’un enjeu capital pour garantir la pérennité de l’efficacité des traitements et, par conséquent, garant du maintien de la santé publique.
« La résistance antimicrobienne a un impact bien plus large que le seul aspect clinique et médical. Il s’agit d’une leçon cruciale à retenir : contrairement à un médicament pour la pression artérielle par exemple, une prescription d’antibiotiques a un impact non seulement sur le patient, mais aussi sur sa famille et la communauté environnante. Il est important de souligner le rôle de chaque individu dans la société », prévient le professeur.
Mobilisation contre la résistance aux antimicrobiens : un plan d’action global
La portée de ces enjeux a mobilisé des organisations internationales majeures. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (ONUAA) ont uni leurs forces pour élaborer un Plan d’action mondial sur la résistance aux antimicrobiens. Cette collaboration d’envergure vise à sensibiliser sur l’ampleur du problème et à promouvoir l’adoption de bonnes pratiques pour endiguer l’évolution et la propagation des infections devenues résistantes aux médicaments. De manière significative, l’OMS a instauré le Système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (GLASS), comblant ainsi les lacunes en connaissances et guidant les stratégies à tous les niveaux.
« La résistance aux antibiotiques a des implications notables sur différents niveaux. Il est crucial de sensibiliser les décideurs et le grand public à ces enjeux. Cette sensibilisation doit s’étendre à l’échelle nationale, provinciale et internationale, impliquant ainsi une action concertée à diverses échelles pour faire face à ce défi majeur. »
– Jeannot Dumaresq, microbiologiste-infectiologue et chercheur clinicien associé au Centre de recherche du CISSS de Chaudière-Appalaches
Parallèlement, Le Plan d’action pancanadien sur la résistance aux antimicrobiens, mis en place pour la période 2023-2027, constitue une avancée majeure dans la lutte contre l’antibiorésistance. Cette initiative repose sur une coordination nationale et une réponse accélérée, impliquant les gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux. Préserver l’efficacité des antimicrobiens, fondamentaux tant pour les soins de santé que pour l’agriculture, s’avère crucial pour une riposte plus prompte et plus efficace face à l’antibiorésistance.
« Les répercussions socioéconomiques de la résistance antimicrobienne sont un sujet d’une grande importance. La résistance aux antibiotiques a des implications notables sur différents niveaux. Il est crucial de sensibiliser les décideurs et le grand public à ces enjeux. Cette sensibilisation doit s’étendre à l’échelle nationale, provinciale et internationale, impliquant ainsi une action concertée à diverses échelles pour faire face à ce défi majeur. »
En conjuguant les efforts à l’échelle nationale et internationale, l’approche « One Health » s’affirme comme un catalyseur essentiel dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. De la recherche génomique à la mise en place de plans d’action concrets, chaque étape contribue à bâtir un avenir sanitaire plus résilient. Face aux enjeux complexes de notre époque, l’intégration de la santé humaine, animale et environnementale est la voie vers un monde plus sûr et durable.
« Une analogie pertinente peut être faite avec la crise climatique : bien que des actions individuelles telles que le recyclage, le compostage et la limitation des déplacements aient un impact, de nombreux experts soulignent que leur influence reste limitée. Il est essentiel que les pouvoirs publics dirigent et forcent l’adoption de comportements différents à l’échelle collective. Il est également impératif d’améliorer l’information sur l’utilisation des antibiotiques, car il existe une zone grise dans laquelle les décisions doivent être partagées et, plutôt que de suivre l’approche ancienne et paternaliste où le médecin décidait pour le patient. Il est crucial d’informer davantage le public, y compris sur les risques pour la santé humaine », conclut Jeannot Dumaresq.
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Dossier spécial consacré à la lutte contre la résistance antimicrobienne, propulsé par bioMérieux
[Dossier] Résistance aux antimicrobiens : la pandémie silencieuse
Crédit Image à la Une : Julia Koblitz, Unsplash