[PORTRAIT] Farah Alibay : une persévérance hors de ce monde…

[PORTRAIT] Farah Alibay : une persévérance hors de ce monde…

Persévérante, courageuse, déterminée, Farah Alibay n’a pas froid aux yeux. Rencontrée par CScience lors de son passage au Château Vaudreuil, le 19 avril dernier, l’ingénieure s’est livrée sur le parcours qui l’a menée jusqu’à l’espace, et sur les difficultés qu’elle a croisées sur sa route.

Farah Alibay a participé à l’opérationnalisation du robot Perseverance de la NASA en 2021, alors que celui-ci cherchait des traces de vie sur la planète Mars. La même année, elle a également contribué à diriger le robot Ingenuity, qui a permis le premier vol contrôlé d’un mini hélicoptère sur une autre planète, a écrit un livre, fait du mentorat auprès d’ingénieures en devenir, en plus d’œuvrer pour l’inclusion des femmes en STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques).

Quand la différence devient une force

Si le succès lui sourit, Farah Alibay a souvent douté qu’elle se rendrait loin dans sa carrière, notamment en raison de la discrimination qu’elle a subie au cours de sa vie. Ayant grandi à Joliette, dans un quartier où il n’y avait que très peu de personnes qui lui ressemblaient, et dans un contexte où peu de femmes issues de milieux ethnoculturels percent en aérospatiale, Farah Alibay s’est souvent sentie isolée et étrangère, avant de prendre conscience de la force que pouvait être sa différence : « Ça m’a donné une peau un peu plus épaisse. Maintenant, quand je suis dans un domaine où je me retrouve à être souvent la seule issue de la diversité et où peu de gens me ressemblent, j’assume ma différence, et ça en est devenu une fierté, au lieu d’être quelque chose que je vois comme une faiblesse que je veux changer. »

« Ça m’a donné une peau un peu plus épaisse. Maintenant, quand je suis dans un domaine où je me retrouve à être souvent la seule issue de la diversité et où peu de gens me ressemblent, j’assume ma différence, et ça en est devenu une fierté, au lieu d’être quelque chose que je vois comme une faiblesse que je veux changer. »

– Farah Alibay, ingénieure en aérospatiale pour la NASA

Ce sont notamment les exploits de femmes comme Julie Payette et Sally Ride qui l’ont inspirée et lui ont permis de prendre de l’assurance et d’avoir confiance en ses capacités, jusqu’à se dire qu’elle pourrait un jour percer dans le monde de l’aérospatiale : « Ces femmes-là, sans le savoir, ce sont elles qui m’ont donné la permission de rêver », lance l’ingénieure, soulignant l’importance d’avoir des modèles qui nous ressemblent : « On parle beaucoup de la représentation en ce moment, et pour moi, l’importance réside dans le fait que ces personnes-là, en étant elles-mêmes et en atteignant les cieux, inspirent des gens comme moi à se dire, ‘peut-être que moi aussi je peux’. »

L’inclusion de la diversité au sein d’une équipe est indispensable pour Mme Alibay, qui estime que la différence nourrit grandement la créativité de ses membres, en plus d’ouvrir le champs des mentalités, donnant accès à des pistes de solutions variées. « Si je vais à mon travail et que je n’ai pas à m’inquiéter, sachant que je vais être acceptée comme je suis, avec toutes mes couleurs, je peux mettre toute mon énergie dans mon travail », avance-t-elle, prônant un environnement bénéfique pour les employés et pour les gestionnaires.

Rêves devenus réalité

Les rencontres marquantes qui ont ponctué son parcours scolaire lui ont fait prendre conscience de l’importance de prendre des risques, malgré la peur de l’échec. L’un de ses professeurs au secondaire lui avait conseillé d’appliquer dans des universités aux programmes très contingentés, et de « ne pas s’enlever de la compétition avant même qu’elle soit commencée » – une leçon retenue qui lui a valu d’étudier à l’Université de Cambridge, et qui guide encore ses choix.

« Beaucoup de gens pensent que Mars est la planète B, et qu’on y ira si ça ne va plus bien sur Terre, mais je ne pense pas qu’on ira vivre sur Mars (…) Je pense que c’est beaucoup plus simple de s’occuper de notre belle planète et d’en faire un environnement où l’on peut continuer à vivre. »

– Farah Alibay, ingénieure en aérospatiale pour la NASA

Aujourd’hui, grâce à ses prises de risques et son talent, elle peut se targuer de mener d’importants projets pour la Nasa. Mais y travailler amène aussi son lot de défis, les horaires de travail y étant peu communs et impliquant beaucoup d’heures supplémentaires.

Pourtant, ce n’est pas ce que Mme Alibay retient de ses missions martiennes. Elle garde plutôt en mémoire les instants précieux passés avec son équipe, mais aussi plusieurs moments clés de sa mission, dont la réception d’une des premières photos du robot Perseverance sur Mars, arrivé à destination après sept mois de voyage. « Ce qui m’a marquée de cette photo-là, ce sont les traces de roue qui commencent de nulle part. Je savais qu’on avait atterri sur Mars, mais voir ces traces, me disant que ce robot vient de la Terre, a marqué le moment où j’ai intégré le fait qu’on avait vraiment réussi à atterrir sur Mars. »

Une des premières images du robot Perseverance, sur Mars

Une des premières images du robot Perseverance, sur Mars. (Photo: NASA/JPL-Caltech)

C’est aussi en travaillant sur la mission Perseverance qu’elle a mesuré l’importance majeure de la préservation de notre planète. Il y a plusieurs milliards d’années, Mars ressemblait à la Terre, avant de devenir un endroit aride et invivable. « Ça me fait réaliser à quel point elle est précieuse, notre planète, et la balance qu’elle a. Beaucoup de gens pensent que Mars est la planète B et qu’on y ira si ça ne va plus bien sur Terre, mais je ne pense pas qu’on ira vivre sur Mars (…) Je pense que c’est beaucoup plus simple de s’occuper de notre belle planète et d’en faire un environnement où l’on peut continuer à vivre », estime l’ingénieure.

« Je crois que la beauté de mon métier et de l’être humain, c’est qu’on peut travailler ensemble pour faire des choses qui semblent impossibles, comme vivre des aventures marsiennes, ou poser des actions bénéfiques, ici, sur Terre. »

– Farah Alibay, ingénieure en aérospatiale pour la NASA

Farah Alibay souligne l’importance du travail collectif pour parvenir à changer le monde, quel que soit le projet : « Je crois que la beauté de mon métier et de l’être humain, c’est qu’on peut travailler ensemble pour faire des choses qui semblent impossibles, comme vivre des aventures marsiennes, ou poser des actions bénéfiques, ici, sur Terre », conclut-elle.

Le génie québécois au cœur des découvertes liées aux exoplanètes

Crédit Image à la Une : Roxanne Lachapelle