Zach Brisson a accepté de nous parler de sa vision des impacts que peuvent avoir les nouvelles technologies sur la société. Ce jeune de 16 ans partage avec nous une perception mitigée des changements qui attendent les générations futures. Cependant, il a une idée claire des systèmes qui comportent le plus de potentiel.
Voyons ce qu’il nous proposerait s’il était un ingénieur en intelligence artificielle.
Zach : « L’application Watson de IBM est pour moi la technologie actuelle la plus inspirante.
Si j’étais un ingénieur en intelligence artificielle, je bâtirais un système utilisant une technologie similaire à celle de Watson, mais pour le domaine de la Santé. Je voudrais concevoir un robot, ou un système, nous permettant d’émettre des diagnostics très poussés en médecine. Il faudra alors récolter de nombreuses données biométriques pour produire des statistiques et des probabilités afin de déterminer de quoi souffre un patient et comment on peut le guérir.
Or, on a seulement besoin d’être légèrement plus efficace que les docteurs pour énoncer des diagnostics et ça serait suffisant. L’avantage de ce système serait de faire un diagnostic qui a un pourcentage d’erreur inférieur à celui du médecin.
Ce type de robot nous fournirait énormément de données quantitatives. »
Science IA : On est d’accord pour dire que les données biométriques sont des données personnelles. Elles sont stockées, analysées et utilisées dans plusieurs systèmes. Comment garantir le secret professionnel, alors, comme le font les médecins ?
Zach : « La technologie doit être entre les bonnes mains. C’est très important et c’est vrai pour toutes les technologies. »
CScience IA : Quel serait l’impact le plus négatif de l’intelligence artificielle, selon toi ?
Zach : « La perte d’emploi est une menace très importante. On va assister à la création d’une société inégale où les travailleurs ne pourront même pas faire de manifestation, car ils ne sont tout simplement plus requis dans la société.
« Les citoyens vont perdre le pouvoir d’avoir une représentation. »
Certains vont se diriger vers la technologie, mais d’autres ne pourront pas s’adapter ou n’auront pas l’opportunité de s’adapter. Il y aura beaucoup de souffrance avant qu’il y ait un équilibre et encore là, je ne suis pas certain que nous pourrons trouver l’équilibre.
L’impact sera pire que celui de la Grande Dépression des années 1930, qui a vu un taux de chômage monter à 24 %. Avec l’intelligence artificielle, d’ici 15 à 20 ans, on va facilement dépasser ce taux. Simplement au niveau des transports, on peut s’attendre à beaucoup de pertes d’emploi, puisque la conduite devient de plus en plus autonome.
Pour éviter une crise, il faudrait assurer un revenu minimum garanti. Même en perdant un emploi, un citoyen devrait avoir le revenu qu’il lui faut pour vivre convenablement.
Il y a beaucoup de risques et, d’une certaine manière, nous faisons un pari. Comme quand on lance une pièce de monnaie dans les airs. Elle tombe soit sur le côté face et nous donne une utopie, soit sur le côté pile et nous amène à une dystopie. »
CScience IA : Es-tu au courant des retombées de l’intelligence artificielle en Chine, par exemple, où on utilise le système du crédit social ?
Zach : « Oui, je suis au courant et pour moi cette utilisation est terrifiante. Si on récompense seulement des actions qui visent à être loyales envers le gouvernement, on peut vraiment limiter la liberté individuelle. On pourrait se retrouver, assez rapidement, dans une société qui ressemble à celle décrite dans 1984 de Georges Orwell. On peut tomber facilement dans une dystopie. C’est-à-dire une société dans laquelle les individus perdent certains de leurs droits fondamentaux. C’est le contraire d’une utopie. »
Science IA : Comment l’éducation devrait-elle s’adapter à l’intelligence artificielle ?
Zach : « On parle alors de la prochaine génération. L’éducation est un domaine assez complexe, car on peut faire des choix qui paraissent minimes, mais qui peuvent entraîner des conséquences massives.
Tous les cours sont utiles, comme le sont ceux de l’intelligence artificielle. Mais je ne suis pas de ceux qui pensent qu’on devrait couper les autres cours pour faire de la place à ceux-là. On ne devrait pas enlever des cours d’histoire, par exemple, car ils sont utiles pour comprendre la société dans laquelle on vit. Il faut garder une éducation générale qui doit se poursuivre par une éducation spécialisée.
Bref, je crois qu’il devrait y avoir des compétences de base en informatique que tout le monde devrait apprendre. Puis, ceux qui sont intéressés par le domaine de l’intelligence artificielle pourraient se spécialiser. »
Science IA : Il paraît que tu as déjà été modérateur pour un jeu en ligne. Pourrais-tu nous expliquer ton expérience et pourquoi c’est important de gérer les réseaux sociaux ?
Zach : « J’ai déjà été modérateur sur certains forums. On doit gérer les messages envoyés. Si des mots, ou bien des phrases ne sont pas appropriés pour certaines personnes, alors on les enlève. Oui, c’est un peu de la censure, mais l’objectif est de garder la communauté en bons rapports. »
Science IA : Penses-tu être influencé par l’intelligence artificielle présente dans les réseaux sociaux ?
Zach : « On est tous influencés par l’intelligence artificielle. Si on passe énormément de temps avec un outil, il va nous influencer, c’est sûr.
L’IA a tendance à approfondir nos propres croyances au lieu de les diversifier. Par exemple, si j’ai une opinion sur quelque chose et que je like des posts qui affichent cette pensée, le système va me proposer plus de publications similaires et je vais continuer ainsi à approfondir mes croyances en cette opinion.
« En fin de compte, je me construis une chambre d’écho. »
À mon avis, une portion des messages, ou propositions devrait être complètement aléatoire. J’estime qu’environ 20 % des contenus pourrait être complètement aléatoire. Ça permettrait d’avoir de la diversité dans notre façon de penser.
En revanche, l’intelligence artificielle nous donne accès à plusieurs canaux de communication. Et plus on a de canaux de communication, plus on peut diversifier notre pensée. »
Science IA : Penses-tu que l’utilisation des outils intelligents, comme le GPS, puisse nuire à notre débrouillardise naturelle ?
Zach : « D’avoir accès à toutes sortes d’informations nous permet d’être plus efficaces. On va utiliser une application pour nous faciliter la tâche. On va se servir de notre GPS, alors que vous vous utilisiez des cartes et des boussoles. Mais avant vous, ils utilisaient les étoiles pour se repérer dans l’espace.
« Votre génération, contrairement aux précédentes, ne sait plus comment se diriger avec les étoiles. »
C’est un peu la même chose pour nous. Ça n’est pas de la paresse, mais un besoin d’efficacité. Plus on simplifie quelque chose et plus les gens vont vers l’avenue la plus simple. C’est un gain de productivité. Est-ce qu’on perd quelque chose à ne plus pouvoir se diriger avec les étoiles ? C’est difficile à affirmer. »
CScience IA : Es-tu capable de décrocher de tous ces systèmes d’information et de communication?
Zach : « Honnêtement, je ne suis pas vraiment capable de le faire. J’ai été obligé de le faire pendant trois semaines, quand je suis allé à l’hôpital et ça a été incroyablement difficile. C’est la crainte de manquer quelque chose qui nous envahit.
« Il y a cette peur que le monde continue sans nous, pendant qu’on ne peut pas communiquer avec lui. »
C’est comme si la connectivité était devenue essentielle aujourd’hui. Le fait d’être déconnecté nous prive d’une partie de moi. Une partie de qui je suis, est ma vie en ligne. »
CScience IA : Est-ce que cette partie de toi, en ligne, peut avoir plusieurs identités ?
Zach : « Je peux être un peu anonyme. Mais d’habitude, les gens avec qui je suis en ligne voient ma vraie identité. Mais parfois, je ne réalise pas quand je suis derrière mon pseudonyme ou mon vrai moi et je confonds les deux identités. À mon avis, la même chose s’applique aux autres, même s’ils n’en sont pas tous parfaitement conscients. Il y a certains changements dans les attitudes qui peuvent être difficiles à détecter. »
CScience IA : Est-ce que le soi en ligne, comme on vient de le définir, est modulable?
Zach : « Nos personnalités en présence des gens changent avec le temps. Donc, on ne peut pas dire que notre identité en ligne soit la seule qui se transforme. Les deux peuvent être modelées aussi facilement. »
CScience IA : Si ton pseudo se fait insulter en ligne, vas-tu te sentir affecté ?
Zach : « Oui, car, c’est une extension de moi. »
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CScience IA remercie chaleureusement Zach Brisson et ses parents pour cette collaboration.