De l’IA dans la production de vaccins

De l’IA dans la production de vaccins

L’urgence de trouver un vaccin contre la COVID-19 se fait de plus en plus sentir. Afin d’accroître l’efficacité de leurs recherches, plusieurs équipes décident de se tourner vers l’intelligence artificielle. 

Medicago en est un bon exemple. L’entreprise biopharmaceutique québécoise fait appel à l’IA afin d’améliorer sa production. Elle a d’ailleurs débuté la phase 1 de ses essais cliniques récemment.

La société se distingue en utilisant des plantes non transgéniques pour mettre au point des vaccins et des protéines thérapeutiques. En effet, celles-ci vont produire des particules pseudo-virales (PPV), qui ont l’apparence extérieure d’un virus, sans son matériel génétique. Elles sont donc non infectieuses et incapables de se reproduire, tout en entraînant une réponse immunitaire avec anticorps.

DES PLANTES HEUREUSES

Ces plantes ne sont toutefois pas habituées à créer de telles protéines. Les chercheurs doivent donc observer les conditions les plus favorables pour que les plantes poussent. Ils notent des données incluant la luminosité, la température et le ph du sol.

C’est à ce moment que l’IA entre en jeu. Pour Jacques Corbeil, chercheur au département de médecine moléculaire du CHU de Québec-Université Laval, beaucoup de données sont nécessaires afin d’évaluer si les plantes sont « heureuses ».

« Il y a tellement de données que même si tu les regardes toute la journée, tu ne peux pas y trouver quoi que ce soit. On utilise des algorithmes qui sont supervisés et parcimonieux, qui permettent de trouver les critères les plus importants pour faire une plus grande production de virus vaccinables, » explique M. Corbeil.

UNE PRODUCTION MASSIVE

L’IA permet donc à Medicago d’optimiser son processus de production du vaccin. « Disons qu’au lieu de faire un million de doses en une semaine, on peut faire un million de doses en deux jours, » estime M. Corbeil.

En effet, dans l’éventualité où il serait distribué, l’entreprise devra produire des milliards de vaccins. 

S’ATTAQUER AUX DONNÉES

Face à un nombre incalculable de données, d’autres chercheurs ont choisi de se tourner vers l’IA. Tariq Daouda, chercheur postdoctoral à l’École de médecine de l’Université Harvard, et son équipe québécoise en font partie. 

Dans ce cas-ci, les données utilisées représentent des dizaines de milliers d’épitopes. Ces petites séquences de protéines se retrouvent à la surface de la cellule et permettent d’indiquer au système immunitaire ce qui se passe à l’intérieur. 

Par exemple, lorsqu’un virus infecte la cellule, certains fragments spécifiques apparaîtront à la surface, sous la forme d’épitopes. Le système immunitaire peut donc les repérer plus facilement, puis les attaquer à l’aide des anticorps.  

DES VACCINS PERSONNALISÉS

L’algorithme d’IA CAMAP est en mesure d’analyser le matériel génétique d’un virus. Il peut ensuite établir une liste des épitopes ayant la plus grande probabilité d’être retrouvés à la surface de la cellule.

Les chercheurs pourront donc composer un vaccin personnalisé à partir d’une combinaison de fragments faisant partie de cette liste.

Ainsi, avec la bonne sélection d’épitopes, le vaccin entraînera le système immunitaire à identifier rapidement les cellules infectées et à tuer le virus.  

Afin d’aider les chercheurs à accélérer le développement d’un vaccin, M. Daouda et son équipe diffusent les résultats préliminaires de leurs recherches sur la plateforme interactive epitopes.world.

UN OUTIL RÉCENT

L’utilisation de l’IA dans la confection de vaccins est encore bien récente. D’ailleurs, l’annonce d’un possible premier vaccin créé à l’aide de l’IA avait été faite en juillet 2019. Conçu par le chercheur Nikolai Petrovsky et son équipe de l’Université Flinders en Australie, l’Advax protègerait contre la grippe. 

Même si l’usage d’ordinateurs et d’algorithmes dans la création de médicaments ne date pas d’hier, il s’agirait du premier vaccin conçu indépendamment par un programme d’IA, appelé SAM (Search Algorithm for Ligands).

Financé par le National Institute of Allergy and Infectious Diseases des États-Unis, l’essai clinique pour ce vaccin est toujours en cours. La date de fin de l’étude est prévue pour le 29 août 2020.

L’AVENIR DU VACCIN

Pour Jacques Corbeil, l’effort concentré en lien avec la quête d’un vaccin contre la COVID-19 aura permis de faire avancer toutes les règles et les approches en matière de vaccinologie.

Il rappelle également la pertinence de l’IA, même après le déploiement d’un vaccin. « On va avoir une masse de données monstrueuse, et je pense que l’intelligence artificielle va revenir analyser les effets de chacun de ces vaccins afin de mieux comprendre, » souligne-t-il.