Moët & Chandon : quand l’IA révolutionne le Champagne

Moët & Chandon : quand l’IA révolutionne le Champagne

Fondé à Oiry, en France, le Centre de recherche Robert-Jean de Vogüé de Moët Hennessy conjugue ses pratiques viticoles traditionnelles avec l’intelligence artificielle. Plus qu’une promesse, une prophétie harmonieuse qui place l’homme et la machine au cœur des recherches.

Le domaine champenois s’engage à « produire des vins d’exception sans compromettre son originalité », confesse Marc Brévot, directeur Recherche et Développement au Groupe Moët Hennessy.

Et pour cause : ce secteur d’activité est l’élément fondateur de la maison-mère LVMH, chef de file mondial de l’industrie du luxe, qui regroupe 23 “maisons du champagne”, souvent séculaires, dans le monde des vins et spiritueux.

LA RECHERCHE DE LA PERFECTION

Image: Marc Brévot – directeur R&D

Moët & Chandon développe des méthodes innovantes afin d’arriver à une compréhension plus fine des phénomènes qui se produisent sur la vigne et lors de la vinification.

Une quête avant-gardiste qui figure dans l’ADN de la Maison de Champagne née en 1743 à Épernay, en France. Le but étant d’identifier et d’activer des instruments inédits pour atteindre un niveau de complexité supérieur en termes de goût.

Pour cela, Marc Brévot parle d’approche multiparamétrique : les outils modernes apportent une information qui complète les expériences précédentes. La conversion technologique a commencé au début des années 2000.

La collecte et le traitement de données interviennent dans tout le processus : à petite échelle d’abord dans le processus de production, d’élaboration et de dégustation des vins ; puis des bases de données sont utilisées pour maîtriser le processus de fermentation.

Le traitement statistique permettrait d’agir sur des leviers conduisant à l’obtention de vins sans défaut. Après les balbutiements liés à l’introduction technologique dans le processus, l’entreprise constate que les résultats obtenus valident tout le potentiel de la data

Comment ces informations sont-elles recueillies ? De l’analyse photographique du raisin, réalisée en amont de la vendange, on recueille des données précieuses. Les clichés caractérisent, alors, plusieurs paramètres sur une parcelle, tels que la grosseur des baies, la compacité, la conformation et la taille d’une grappe.

Autant d’éléments qui renseignent sur la santé du fruit. De là, on envisage un premier scénario du rendement du raisin et le profil de maturation d’une parcelle. Au niveau de la logistique, ces données facilitent aussi les interventions sur le vignoble et optimisent la qualité du pressage. 

LE POTENTIEL DU PINOT NOIR

Outre l’usage des données, une application qui intègre du Deep Learning est utilisée dans le fonctionnement du centre de pressurage, Le Val du Clos. Ce logiciel apporte des connaissances plus précises sur les qualités du pinot noir. Avec l’intelligence artificielle, les chercheurs se concentrent sur l’intensité colorante des grappes. La technologie scanne les caisses de raisins puis elle analyse et interprète l’image.

En fonction du potentiel qualitatif des récoltes, les équipes constituent des lots de raisins homogènes traités par la suite en vinification. Toutefois, l’interprétation algorithmique doit s’adapter au contexte des premiers jours de vendanges. Car les années se suivent et ne se ressemblent pas.

L’OBSERVATOIRE DES BLANCS

Par ailleurs, le Centre Robert-Jean de Vogüé applique l’intelligence artificielle dans la vinification des vins blancs.

« En Champagne, l’ennemi numéro un est la pourriture », assure Marc Brévot. De fait, dans sa partie la plus septentrionale,  le vignoble le plus septentrional, reste exposé au botrytis cinerea [moisissure grise ; champignon s’attaquant aussi bien aux raisins de table que de cuve].

Le pôle a donc conçu un portique, un Photobox, dans lequel les caisses de raisins sont passées au crible à l’entrée du pressoir. Les conditions d’éclairage aident l’IA à comparer chaque élément ainsi qu’à maximiser son autoapprentissage.

Le but étant de repérer les foyers de pourriture sur les grappes en identifiant celles restées saines. L’observation de la récolte sur la surface de la caisse est statistiquement représentative de l’ensemble du contenant. Ce processus maintient et garantit un niveau qualitatif du produit.

LA VITICULTURE DURABLE

L’intelligence artificielle ouvre des champs immenses dans l’accompagnement des œnologues vers la durabilité et le caractère du produit. Dans le futur, le viticulteur aura la capacité d’être en prise directe avec cet écosystème très complexe, difficilement intelligible par l’être humain.

Et ce, grâce au travail préalablement décomposé par la machine. Sans compter que la vinification est également un procédé microbien sophistiqué. En maîtrisant la biodiversité, cette méthode quantitative accompagnerait l’étape de fermentation. Les vignerons, ultimes décisionnaires, s’aideront de l’IA pour donner une direction à la vinification, mieux contrôlée.

« Afin de maintenir une gestion durable de la culture de la vigne, je vois un réel avenir dans ces outils perfectionnés. » – Marc Brévot, directeur Recherche et Développement de Moët Hennessy.

Pour le moment, le Centre a installé un suivi automatisé sur les cuves pour observer le processus de fermentation en temps réel, sans intervention de l’IA.

Dans le futur, avec l’IA, « nous serons capables d’anticiper des possibilités d’intervention sur la cuve, explique-t-il. De surcroît, si nous souhaitons travailler sur la structure aromatique du vin, nous serions en mesure de récupérer un nombre considérable d’informations avec ces outils de préanalyse. »

En définitive, l’intelligence artificielle donne une résonance innovante dans les méthodes de production d’un cru Moët & Chandon. Cette nouvelle approche donnera des éléments pertinents sur l’interaction entre le pied de vigne et son environnement. Le vigneron sera capable de prendre des décisions plus éclairées sur les saveurs, la texture, les tanins… qu’il veut intégrer dans une bouteille.

Car le but, en matière de production qualitative de vins, n’est pas de mettre l’humain sous tutelle de la machine, mais de progresser avec elle.

Crédit photo : Pexels / Jill Wellington