4 projets québécois en IA pour mieux faire face aux catastrophes naturelles

4 projets québécois en IA pour mieux faire face aux catastrophes naturelles

Au chapitre de l’environnement, l’intelligence artificielle (IA) s’illustre dans deux champs d’application : la robotique intelligente, qui vise à préserver la nature sur des plans techniques, et l’exploitation intelligente de la data à des fins d’analyse et d’adaptation aux phénomènes naturels. CScience vous propose de découvrir des projets québécois de solutions prédictives en IA qui visent à mieux préparer les populations aux catastrophes naturelles.

Optimiser le déploiement de l’aide humanitaire après une catastrophe

1. Un réseau de prépositionnement collaboratif

Marie-Ève Rancourt est professeure agrégée de gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal. Elle a participé à l’élaboration d’un outil qui peut aider les pays des Caraïbes à prendre des décisions éclairées afin de répondre d’urgence aux ouragans grâce à la science des données.

La professeure mène des projets de recherche liés à « la planification des décisions logistiques et à la conception de réseaux de préparation pour atténuer les conséquences de ces problèmes ». En collaboration avec des organisations humanitaires à travers le monde, elle fonde ses projets et études sur des données réelles et des techniques relevant de la logistique pour soutenir des opérations humanitaires.

« L’analyse des données nous permet de déterminer où on devrait localiser les stocks de secours et en quelle quantité, de manière à minimiser les coûts et à assurer un bon niveau de service en cas de catastrophe. »

– Marie-Ève Rancourt, professeure agrégée de gestion des opérations et de la logistique.

Dans le contexte des Caraïbes, c’est en ayant recours au « prépositionnement », une stratégie que Mme Rancourt qualifie de « cruciale pour la préparation », et souvent « coûteuse », qu’elle et son équipe se sont attardées, dans la région, et pour 20 pays différents, à proposer une solution afin de favoriser la préparation aux désastres.

« Il y a des ouragans chaque année dans la région. Elle est sujette à des tremblements de terre, etc. On veut bénéficier de la mutualisation des risques, car tous les pays ne sont pas touchés en même temps. Dans les Caraïbes, on a quatre points focaux, regroupant chacun plusieurs pays. » Selon la professeure, en matière de prépositionnement, l’un des défis réside dans le fait de devoir « reposer le processus de décision sur des fondements plus scientifiques ».

Marie-Ève Rancourt, HEC Montréal

« La science des données est utile à l’aide humanitaire parce qu’elle nous permet d’avoir une meilleure compréhension de la situation sur le terrain en préparation aux crises humanitaires ou pour y répondre, parce que ça nous permet de traiter beaucoup plus d’information plus rapidement. On peut penser, par exemple, à des images prises par satellite ou par drone qui, une fois traitées, vont nous permettre de déterminer où sont les personnes vulnérables et comment on peut les rejoindre. »

Pour comprendre et anticiper les ouragans, l’équipe de Mme Rancourt a croisé l’information de plusieurs bases de données pour constituer un historique des sept dernières décennies. Des données concernant la sociodémographie de la région, et les coûts et délais de transport effectifs entre les îles caribéennes y ont aussi été incluses. L’analyse de ces données permet de cibler les endroits stratégiques où déployer les stocks de secours en cas de crise.

« Le prépositionnement est une stratégie cruciale de préparation aux catastrophes. Elle consiste à localiser et à stocker des items et des équipements de secours de manière à ce que ces équipements soient disponibles rapidement lorsqu’une communauté est frappée par une catastrophe. »

2. Un autre exemple concret au Népal

En avril 2015, un séisme de 7,8 en magnitude a frappé le Népal, détruisant notamment le système d’approvisionnement d’eau potable des communautés qui se trouvaient dans les zones montagneuses reculées. L’un des projets de Mme Rancourt consistait à reconstruire un système moins coûteux afin de redonner l’eau potable aux communautés locales.

Le Népal étant très montagneux, il a fallu se servir de l’IA pour prendre en compte les élévations et calculer les distances avec précision. Le projet a d’abord consisté en une collecte de données, soit en la prise d’images par satellite, qui ont ensuite été traitées grâce à des systèmes d’information géographique. Ensuite, il a fallu traduire le problème en équations mathématiques, et finalement, développer un algorithme pour solutionner ce problème. L’analyse de données et l’algorithme d’optimisation ont ainsi permis de localiser les points d’eau et de reconstruire un réseau de pipelines à moindre coût.

La réalité mixte et le RISCDIS

3. La réalité mixte

Université du Québec à Rimouski

Université du Québec à Rimouski (UQAR)

En matière d’innovation dans le domaine de la prédiction des risques quant aux crises environnementales, l’expertise de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) est reconnue au niveau international.

Sous la direction du professeur spécialiste en intelligence artificielle au campus de Lévis Mehdi Adda, l’étudiant à la maîtrise en informatique Marc Parveau s’est inspiré, en 2019, des principes de conception de jeux vidéo pour créer un outil qui permet à son utilisateur de suivre l’évolution des conditions météorologiques dans un environnement en 3D plutôt qu’en suivant un système en 2D sur une carte radar.

C’est sur le principe de la « réalité mixte », dans un contexte de gestion des risques environnementaux, qu’il a fondé ses travaux. À ne pas confondre avec les réalités virtuelle et augmentée, la réalité mixte permet à une personne d’interagir physiquement dans un environnement réel avec des éléments virtuels en 3D, grâce à un casque ou des lunettes.

L’IA peut ainsi reproduire les conséquences observées d’un feu de forêt ou d’une inondation, pour ensuite en reproduire la réalité dans une immersion en 3D.  « En intégrant des modèles mathématiques, puis en les convertissant en données graphiques en 3D, l’utilisateur sera plus facilement en mesure de bien saisir les impacts concrets d’un feu de forêt ou d’une inondation. Ainsi, il sera mieux informé afin de prendre de meilleures décisions et de coordonner les acteurs sur le terrain de façon optimale. On pourrait même transposer le terrain en 3D à l’intérieur de la salle de réunion d’une cellule de crise », souligne l’informaticien.

« Grâce à l’emploi de cette technologie, je cherche à améliorer le processus d’aide à la décision dans le management de crise à grande échelle, comme lors d’inondations, d’incendies de grande ampleur, d’ouragans, etc. Mon objectif est de déterminer comment la réalité mixte peut aider à mieux appréhender les données disponibles, notamment cartographiques, dans le but d’accélérer le processus de décision et d’optimiser le déploiement des ressources », explique le chercheur.

« La réduction des risques de tout type de catastrophe est un enjeu mondial qui nécessite des stratégies locales, nationales et internationales. »

– Guillaume St-Onge, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en géologie marine et directeur de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski

4. Le RISCDIS

L’UQAR et son Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER) ont d’ailleurs annoncé, en mai dernier, s’être joints au réseau de recherche international portant sur les risques et catastrophes naturels, pour le lancement du projet de recherche « Recovery trajectories of societies to natural disasters » (Trajectoires de résilience des sociétés aux catastrophes naturelles), ou « RISCDIS ».

Mobilisant notamment 11 chercheurs de l’ISMER-UQAR , le projet sera mené sur une période de cinq ans, et a pour objectif de permettre aux sociétés d’intervenir de manière plus efficace pour répondre aux risques naturels et anthropiques, dans le contexte d’inondations et de vagues de chaleurs ou de froid, accentués en raison des changements climatiques.

« L’UQAR et l’ISMER sont reconnus pour leurs expertises de pointe sur les rives et l’estuaire du Saint-Laurent et dans l’Arctique. Cette participation à ce projet international témoigne de la qualité et du calibre de nos chercheuses et de nos chercheurs sur des enjeux qui touchent les populations et qui n’ont pas de frontière », a déclaré le recteur de l’UQAR, François Deschênes.

« La réduction des risques de tout type de catastrophe est un enjeu mondial qui nécessite des stratégies locales, nationales et internationales. Les travaux qui découleront du projet RISCDIS permettront d’apporter un nouvel éclairage pour favoriser la coopération et la participation des actrices et des acteurs politiques, scientifiques, économiques et de la société civile », indique le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en géologie marine et directeur de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski, Guillaume St-Onge.

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Crédit Image à la Une : Guillaume St-Onge et Emmanuel Garnier (sujet de la photo), Stéphane Lizotte (auteur de la photo)