10 défis-solutions en gestion de projets TI : la suite !

10 défis-solutions en gestion de projets TI : la suite !

Chaque semaine, nos experts livrent leurs avis, leurs opinions sur des sujets, des thématiques qui les touchent, les interpellent. Aujourd’hui, c’est Sylvie Leduc, gestionnaire de projets, coach Agile et consultante qui vous propose d’aborder la suite des enjeux et défis propres au secteur des technologies de l’information (TI), du point de vue des solutions prescrites par l’approche Agile.

Partie 1 :

10 défis-solutions en gestion de projets TI


Tel que mentionné dans ma chronique du mois dernier, ayant de la suite dans les idées, je conclus ce volet de mon partage très basique sur les cinq autres défis que revoici, en reprenant l’ordre chronologique original :

  1. Quelles sont les différentes parties prenantes du projet?
  2. Avec qui et quoi le projet sera réalisé, et dans quels délais?
  3. Comment s’assurer que le projet sera bien exécuté et sans heurts?
  4. Les investissements
  5. Les bénéfices

Quelques précisions contextuelles

À noter que je ne leur ai pas accordé d’ordre de priorité comme tel, car il pourrait varier selon des contextes bien particuliers. Il existe même certaines applications digitales afin de vous soutenir dans cette priorisation.

Votre société navigue dans un environnement réglementé? Un changement à cette réglementation devient le motif principal du projet et le reste se décline quasi automatiquement et obligatoirement. Un compétiteur lance un nouveau produit et/ou service concurrentiel, la priorité des travaux est susceptible de changer à l’intérieur des grandes phases selon le portrait du marché en ébullition.

Toutefois, dans un contexte économique difficile, comme celui que nous traversons actuellement, les investissements et bénéfices seraient les deux premiers facteurs à privilégier, analyser et documenter bien solidement, à mon avis. Un peu comme notre boussole dans les phases d’idéation de planification, d’exécution/gestion et de fermeture du projet – si une fermeture bien définie il y a, avant d’opérationnaliser – les dollars et les bénéfices tant quantifiables (tangibles) que qualifiables (sociaux, humains, propres à la conformité, aux valeurs etc..) doivent être constamment mis à l’avant-plan et réévalués périodiquement pour réduire les dérapages. 

Les 5 défis, décortiqués séparément

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6 – Les parties prenantes du projet

L’adhésion à des normes environnementales, sociales et de gouvernance au cours des dernières années, a créé un élargissement important des parties prenantes affecté par tous les projets mis en œuvre, en plus de celles que nous avons toujours retrouvées à la base, dans le passé.

Le canevas peut donc en être très coloré, incluant :

  1. vos clients;
  2. vos utilisateurs directement touchés au sein de votre société par les résultats directs et indirects émanant de votre projet; 
  3. vos partenaires et fournisseurs externes;
  4. le ou les organismes réglementaires, s’il y a lieu, selon votre domaine d’exploitation;
  5. vos exécutifs;
  6. votre conseil d’administration;
  7. les lobbyistes;
  8. votre réseau de communautés présentielles et virtuelles;
  9. les diverses entités touchées par votre empreinte environnementale;
  10. vos actionnaires individuels et corporatifs incluant les caisses de retraite, que ces actionnaires soient passifs ou activistes; 
  11. le premier coup de balais, parfois, d’un comité de projet conjoint avant la présentation formelle aux cadres exécutifs.

Et j’en oublie possiblement…

Il est impératif de réaliser une analyse rigoureuse soutenue par des entrées de tous leurs requis, enjeux, préoccupations et impacts spécifiques, dans une base de données électronique en format de liste avec un pourcentage d’importance ou de priorité. Ceci nous permettra de passer à l’étape de l’intégration de ces listes. Il y aura fort probablement des choix à faire et des risques à bien gérer, avec un bon plan de communication énonçant les règles de jeu objectives prises en compte pour faire ces choix. 

Il faut donc bâtir et conserver une base de données solide, en structurer le contenu de manière optimale, et énoncer leur niveau d’intérêt et/ou d’implication dans le projet et les degrés d’influence respectifs de vos parties prenantes, tout au long du projet. En effet, cette influence est susceptible de varier avec des pics et des vallées selon les phases du projet. À l’ère des médias sociaux, un simple faux-pas, aussi anodin soit-il, peut vous mettre dans l’obligation de gérer une tempête de communication visant à rafraîchir la peinture sur votre canevas de parties prenantes !

Le temps passé à la gestion des parties prenantes étant considéré comme des dépenses opérationnelles (non amortissables) une préparation et communication robuste dès la rencontre de lancement signifiera une réduction de temps dans les semaines et mois à venir durant l’exécution.  Rassurer et maintenir l’élan et l’engagement constant des parties prenantes dans le projet se fera tout doucement et organiquement avec un minimum d’effort de votre part. 

7 – Avec qui et quoi le projet sera réalisé, et dans quels délais?

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Ici on couvre TOUTES LES RESSOURCES, réalisant le projet pour la durée anticipée. Certaines seront des experts en la matière afin de réaliser des portions bien précises du projet et se joindront ponctuellement aux différentes phases. D’autres seront présentes du début jusqu’à la fin. Certaines continueront d’être présentes afin de répondre à des demandes bien précises en opérationnalisation.

  1. Les gens – les humains, d’abord et avant tout. Profils de compétences techniques et humaines nécessaires pour compléter le projet de bout en bout avec succès. S’il y a des lacunes ou faiblesses en compétences, voir à obtenir les formations requises rapidement, une rencontre de lancement bien organisée et bien tenue réservera du temps sur la façon de travailler (Way of Work) entre les membres de l’équipe. Cela inclut la gestion basique logistique des horaires, les modes de travail (présentiel/virtuel), la vision holistique du projet, les flux de valeurs, les travaux assignés et durées estimées associées, les facteurs clés de succès, la résolution des conflits, les reconnaissances et la motivation, des membres de l’équipe, etc.
  2. Les ressources matérielles pour exécuter le projet incluant tout le volet de l’approvisionnement afin d’acquérir ces biens. J’inclus ici toutes les phases : la demande d’informations ou d’expression d’intérêt, les réponses d’appel d’offres et la gestion contractuelle avec les fournisseurs sélectionnés tout au long du projet.
  3. Tous les outils numériques indispensables en support au projet. Que ce soient les applications, logiciels, solutions, plateformes informatives, communicatives, de même que toutes les composantes liées à l’infrastructure, l’architecture et la cybersécurité liées aux normes corporatives et besoins technologiques essentiels pour réaliser le projet en incluant, il va sans dire, leur compatibilité de versions et d’intégrations.
  4. Aurons-nous des sous-traitants ou impartiteurs avec lesquels nous interagissons pour des livrables bien pointus dans le projet? Ils ont souvent leurs contrats et agendas bien définis et encadrés. Avons-nous déterminé, ici aussi, notre manière de travailler ensemble? Nos ententes commerciales sont-elles bien structurées et comprises par tous ceux qui seront impliqués dans le projet? Avons-nous une procédure d’escalade et de résolution de conflit clairement étoffée et communiquée? Évitez les situations délicates demandant du temps de résolution, pouvant parfois laisser des traces un peu amères pour le reste du projet, et des impacts souvent négativement mesurables. 

8 – Comment s’assurer que le projet sera bien exécuté et sans heurts?

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Voilà mon sujet préféré! En effet, tout le reste des éléments vitaux faisant partie d’un canevas de gestion de projet bien esquissé, ne font pas le poids si les fonctions d’audits, de gouvernance et de vérifications des critères de qualité tant dans l’exécution, la livraison des travaux que dans la vigie financière, la traçabilité et le stockage des documents et la gestion des risques sont faibles ou pire encore, tout simplement absentes. 

  1. Il est impératif d’avoir en place des outils de contrôle en gestion de projet, dans une architecture corporative client-serveur dont les mises-à-jour se font en temps quasi-réel ou avec très peu de latence. 
  2. La société a établi des standards corporatifs pour effectuer les mises-à-jour des heures travaillées sur les tâches associées sur les divers projets. 
  3. Des vérifications ponctuelles sont conduites aléatoirement en jetant un regard sur les diverses entrées des membres de l’équipe et leurs reflets sur les divers tableaux de bords disponibles selon le logiciel/l’application/la plateforme utilisée.
  4. Les phases de tests et les critères de contrôle de qualité sont entièrement automatisés. Si ce n’est pas le cas, une vigie sera exécutée par les membres des groupes-utilisateurs des différentes parties prenantes. 
  5. Le registre des risques inhérents au projet et à la société est revu, analysé, discuté, peaufiné, modifié et communiqué à toutes les parties prenantes désignées à une fréquence prédéterminée. Ce registre inclut les risques économiques, géo-socio-politiques extrinsèques et liés aux changements climatiques, lesquels sont de plus en plus omniprésents dans un monde VICA. Volatile, Incertain, Complexe Ambigu. 
  6. Le bilan financier est revu et analysé au minimum mensuellement et les mesures correctives apportées et communiquées aux parties prenantes pertinentes.
  7. Les calendriers numériques internes et externes (partenaires et fournisseurs) sont synchronisés en temps réel à la fin de chaque semaine, dans un monde idéal – plus réalistement aux deux semaines.  

Certaines techniques très simples mais bien efficaces existent pour bien jeter les bases dans l’élaboration de plans de contingences afin de mitiger les risques. La technique du « que se passe-t-il si A, B, C… survient » (What if) et divers scénarios sont énoncés à haute voix et déclinés à cinq niveaux descendants de possibilités réalistes. On leur accorde un % de probabilité et de sévérité; cette technique est facile à communiquer, à comprendre et à travailler. Après chaque scénario potentiel, des discussions ont lieu et diverses techniques de facilitation existent pour arriver à un consensus mobilisant toutes les parties prenantes. Les grandes structures de ces plans de contingence sont ensuite documentées pour avoir un certain degré de préparation lorsqu’une crise possible se pointe le nez!

9 – Les investissements

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La fameuse analyse de rentabilité, aussi appelée « demande motivée » ou « dossier de décision » (business case) demeure un incontournable. Il y a une foule de gabarits disponibles sur le web et via les grandes universités canadiennes et américaines.

Au minimum, votre gabarit devrait offrir une expertise émanant d’une réflexion sur 5 grands axes :

  1. Contexte stratégique : le pourquoi du projet/changements qui en résultent.
  2. Analyse économique : retour sur investissement basé sur l’évaluation dudit investissement et toutes les options contemplées
  3. Approche commerciale : dérivée des stratégies de sous-traitance et d’approvisionnement
  4. Le dossier financier comme tel : abordabilité pour votre organisation dans l’espace-temps du projet de l’initiation à la fermeture. Pour des projets centrés produits/applications/solutions/plateformes/services technologiques, des projections seront les bienvenues dans un mode de développement et exploitation (DevOps). Un emprunt sera-t-il requis ou êtes-vous en mesure de le financer à même les encaisses en réserve, ou l’encaisse positive prévue pour la présente année fiscale selon l’ampleur financière du projet?
  5. Approche de gestion : rôles, structure de gouvernance, choix/changements faits durant le cycle de vie du projet.
  6. Contexte réglementaire central ou périphérique, si applicable.

Quelques standards financiers et règles procédurales de base doivent toutefois être intégrés afin que ce document tienne la route et soit un exercice pertinent et évolutif :

  1. TOUS les éléments, énoncés financiers et les données chiffrables associées à chacun de vos projets contenus et mesurés dans ce document, devront être possiblement revus par votre chef des finances (CFO). 
  2. Dans un contexte de grande volatilité économique telle que celle qu’on connaît maintenant, toutes les hypothèses financières, économiques et temporelles doivent être revues et confirmées régulièrement. 
  3. Ces mêmes hypothèses de toutes natures seront clairement décrites avec les arguments les justifiant et origines des sources publics fiables sur lesquelles, elles reposent le cas échéant.
  4. La budgétisation anticipée versus réelle bien identifiée. Les formules des projections bien détaillées.
  5. Revoir tout ce qui touche aux taux d’intérêt et taux de rendement en synchronisation avec les annonces des grandes banques centrales i.e. La Banque du Canada, la Réserve Fédérale Américaine, La Banque Centrale Européenne selon la portée géographique de la conduite de vos affaires, et les revenus et sommes investies au sein de pays hors du Canada.
  6. Les projets internes visant l’automatisation de processus et procédures vers une plus grande efficience et efficacité offriront des projections de réductions des dépenses vs coûts associés au projet (majoritairement CAPEX), dans un horizon de temps, idéalement, lié à la période d’amortissement desdites dépenses.
  7. Les projets dirigés vers les marchés externes démontreront les revenus de ventes projetés versus toutes les dépenses reliées au projet comme tel, de même que toutes les dépenses engagées en ventes et marketing (OPEX donc non-amortissables).

10 – Les bénéfices

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Vos premiers neuf éléments ayant été solidement étoffés, une liste des bénéfices bien résumée avec des mots-clés d’impact sera pondue en un temps record. Elle servira aussi de sommaire exécutif lorsque vous présenterez votre initiative de projet auprès de votre CA, vos banquiers, investisseurs privés potentiels et/ou actionnaires. 

Il suffira d’y ajouter les bénéfices sociétaux ou sociaux, environnementaux, humanitaires, corporatifs internes pour vos employés (acquisition de nouvelles connaissances et qualités comportementales, accroissement de la motivation et ainsi de la rétention, innovation, etc…), bénéfices externes pour vos partenaires et fournisseurs.

C’est également ici que l’on partagera et démontrera les valeurs plus holistiques du projet en harmonie avec la mission, la vision et les valeurs dites corporatives de l’entreprise. 

Mot de la fin

Je termine sur ces chiffres : seulement 31 % des projets en logiciels obtiennent du succès. De ce pourcentage, seulement 46% démontrent une valeur élevée. Ces statistiques proviennent d’une récente étude faite par Le Standish Group International, Inc., cabinet international indépendant de conseil en recherche informatique fondé en 1985, connu pour ses rapports sur les projets de mise en œuvre de systèmes d’information dans les secteurs public et privé.

Seulement 31 % des projets en logiciels obtiennent du succès.

– Le Standish Group International, Inc.

Depuis 2003 le taux de succès oscille entre 29 et 34%; le taux de questionnement ou de remise en cause des projets fait du va et vient entre 44 à 51% et les taux d’échec entre 15 et 24%. Hum…

L’année 2021 (année la plus récente pour laquelle nous avons des données) 31% de taux de succès, 50% de taux de questionnement et 19% de taux d’échec pour les trois métriques analysées.

Suis-je un tant soit peu pragmatiquement réaliste? Oui je l’admets. Cependant, alors que l’intelligence artificielle s’amène dans la gestion de projet, si nos données historiques sont faibles, mal structurées, remplies d’accrochages et de lacunes, il en sera de même pour les résultats en utilisant les fondements théoriques et techniques de l’intelligence artificielle. Ce que j’ai tenté de faire ici et en avril consistait à vous donner une cartographie de base sur les données à extraire dans le passé et à bâtir dans les mois à venir pour mieux vous préparer. 

Malgré toute la présente controverse entourant l’intelligence artificielle générative ou non-générative, on ne pourra pas stopper les avancées technologiques. Toutefois, ne pas les utiliser correctement et à bon escient, signifierait faire des pas en arrière et créer de sérieux enjeux pour l’humanité. En gestion de projet, nous avons encore un peu de temps pour bien aménager notre pratique. Nos futures générations demandent que cela soit accompli.

On se penchera sur ce sujet, lors de ma prochaine chronique !

Crédit Image à la Une : Geralt/Pixabay