Métavers et santé globale : miser sur la technologie, la prévention, l’éthique et la durabilité

Métavers et santé globale : miser sur la technologie, la prévention, l’éthique et la durabilité

Le 8 avril dernier, jour de l’éclipse, le Symposium international Métavers et santé a réuni la grappe de l’innovation au Palais des Congrès de Montréal, au profit de nouvelles façons de faire qui intègrent les technologies du métavers (ou métaverse). Ayant pour objectif de renforcer une communauté pluri sectorielle, partie prenante de ce transfert technologique, l’événement organisé par le Quartier de l’innovation en santé (QIS) était l’occasion d’aborder les bénéfices mais aussi les risques associés à l’usage de cette technologie de rupture pour la société et les individus, au regard d’une vision de santé globale, préventive, éthique et durable. Soulevant plus de questions qu’elle n’amenait de réponses, cette rencontre se voulait dégager des pistes de réflexion pour orienter les efforts collectifs vers un équilibre souhaité entre les mondes réel et virtuel, dont l’étanchéité n’est plus.

Ce qu’on entend par « métavers »

Fabrice Brunet au Symposium

Le métavers, « c’est l’ensemble des technologies qui permettent d’aller dans la réalité augmentée, alternative ou virtuelle, tel que le définit Fabrice Brunet, Président-directeur général du Quartier de l’innovation en santé (QIS). C’est un bénéfice, mais c’est aussi un risque. Dans les maladies, nous avons beaucoup exploré l’utilisation de ces technologies pour le bénéfice des patients. Mais qu’en est-il dans la santé ? Allons-nous compromettre notre équilibre physique, mental et social avec ces technologies ? Ou, au contraire, en bénéficier ? »

La prévention et la promotion de la santé

La santé en amont

Aborder l’enjeu de l’avènement du métavers sous cet angle, dans un domaine où l’on préconise de plus en plus de miser sur une approche holistique, n’a pas été un choix laissé au hasard pour les organisateurs du Symposium. Car si l’on a été attentif au débat de la scène publique mené dans l’écosystème de l’innovation en santé depuis le début de l’année, ne serait-ce qu’au Sommet de la santé durable, on a vite compris que les mesures déployées par les politiques et institutions de la santé seront désormais axées sur une stratégie visant à modifier plusieurs facteurs en amont des maladies, qu’on appelle « la prévention » ou « la promotion de la santé », termes de concept sur les lèvres de plusieurs invités de marque, comme Thomas Bastien, Johanne Castonguay, Carole Jabet, etc.

Prévenir plutôt que guérir : l’approche préconisée pour la santé durable des Québécois

Dans cette optique, l’idée d’un espace ou l’interaction sociale et environnementale s’articule virtuellement autour de l’utilisateur dans le métavers, n’inspire pas, au premier abord, l’idée d’une saine activité, mais plutôt d’une vie sédentaire et par procuration. Or, plusieurs innovations relevant de la réalité aussi bien virtuelle qu’augmentée ont leurs vertus, initiant le développement de nouvelles approches thérapeutiques et d’entraînement, ne serait-ce que pour se remettre en forme ou encore entraîner ses facultés cognitives. Et c’est sans compter l’apport des technologies et applications de la VR au maintien des liens sociaux et familiaux entre utilisateurs physiquement éloignés, comme le permettent certains projets pilotes en résidences pour aînés. Des usages qui stimulent à la fois le corps et l’esprit, de sorte à prévenir certaines déchéances.

Prodiguer des soins de façon innovante

Au chapitre des soins, du point de vue des professionnels de la santé et de la recherche, les technologies de simulation promettent de révolutionner le développement de traitements thérapeutiques, de mener des essais cliniques et de prévoir certaines réponses aux traitement sans avoir à les tester sur le patient.

En contexte de réalité virtuelle, et d’environnement artificiel, pour l’usage que font les patients des technologies, il y a celles qui sont de plus en plus intégrées en médecine pour les thérapies d’exposition. La réalité virtuelle est alors sollicitée pour des thérapies d’immersion visant à réduire l’anxiété chez certaines personnes atteintes de phobies ou de traumatismes. L’analyse de data, combinée au métavers, peut permettre d’adapter de telles thérapies.

De quoi démontrer que les technologies et la VR n’ont pas que des effets préoccupants sur la santé mentale des jeunes – autre thème abordé au Symposium.

Pensons, par exemple, à des projets comme Le monde d’EQUOO, récompensé l’an dernier par Les prix Stars du réseau de la santé (SRS), offerts par la Caisse Desjardins du Réseau de la santé. L’activité permet, à l’aide de lunettes de réalité augmentée, d’accompagner les enfants lors de leur passage en chirurgie ou en cardiologie pédiatrique, grâce à l’apparition des personnages EQUOO et Constellation. Visibles à travers les lunettes dans l’environnement des jeunes patients, ces héros animés leur enseignent alors des techniques de gestion du stress, pendant que l’équipe médicale les déplacent vers la chirurgie.

L’accompagnement des personnes et la dimension d’éthique

Yoshua Bengio et Alexandre Le Bouthiller

« Faut-il se méfier de l’IA et mettre en place une approche controlée ? » Si la réponse à cette question semble maintenant évidente, rappelons qu’en marge de grandes inquiétudes universelles, occupant les penseurs et décideurs en matière d’encadrement éthique de l’IA et de gouvernance de données, le premier ministre Justin Trudeau a fait dimanche l’annonce prébudgétaire d’un investissement de 2,4 G$ « pour bâtir l’avantage canadien » en matière d’IA, en vue d’accélérer la croissance de l’emploi dans le domaine, et favoriser l’adoption des technologies de pointe dans des secteurs clés comme la santé et l’agriculture.

Yoshua Bengio a réitéré le message qu’il martèle depuis la parution de la lettre du Future of Life Institute qu’il a co-signée, lançant à nouveau un appel à l’implication collective vers l’adoption de cadres pour une IA responsable, au cours d’un panel animé par Alexandre Le Bouthiller, associé et cofondateur du Fonds linearis Ventures, appelant à l’interdisciplinarité pour une approche nuancée et inclusive des sciences humaines et sociales, afin de couvrir plus d’angles morts quant à l’éthique, dans un contexte où l’alliance de l’IA et du métavers permet à « la fiction » de « dépasser la réalité », selon M. Le Bouthiller.

Or, si les solutions de santé numérique et de télémédecine sont perçues comme la réponse à moult problèmes d’accès aux soins, pour d’autres, elles soulèvent des questions d’éthique et engendrent d’autres problèmes d’inégalité se rapportant au secteur privé. La résistance au partage de données personnelles sur la santé fait aussi partie des enjeux qui retardent l’adoption de technologies en faveur d’une identité numérique en santé.

Une combinaison de technologies de rupture qui accélère leur adoption

« Cette année, les principaux fabricants ont introduit leur propre technologie de réalité augmentée et de métavers, ouvrant la voie à des progrès significatifs en télémédecine, en collaboration et en innovation de la médecine », a souligné le cofondateur du Fonds Linearis Ventures. Mais pour réaliser le plein potentiel de ces innovations, il faut les infrastructures pour les soutenir.

Tel que l’annonce Quentin Hibon, chroniqueur pour CScience, « les expériences offertes par les technologies du métavers prendront toute leur ampleur en intégrant l’IA et la 5G. Il sera possible de créer des environnements virtuels intelligents et réactifs, qui s’intégreront parfaitement au monde physique. Dans un contexte où l’on parle d’une expérience améliorée, et de plus de possibilités pour les utilisateurs, on comprend aisément que l’adoption des technologies du métavers sera décuplée en intégrant l’IA et la 5G. »

En Europe, selon les données communiquées par HypnoVR (entreprise basée à Strasbourg qui a développé un dispositif médical associant les bénéfices de l’hypnose médicale à la VR), le métavers pourrait apporter jusqu’à 489 milliards d’euros supplémentaires au PIB de l’Union européenne par an d’ici à 2035.

Le développement économique durable

Isabelle Dubé-Côté, Présidente et cheffe de la direction d’Écotech Québec, Stephen Williams du Chum, Martin Deron de Chemins de Transition et Lisa Israelovitch d’AssistIQ, ont mis de l’avant l’importance de la vision globale dans la mesure de la création de valeur. Du côté d’Écotech Québec, on a fait valoir sa contribution et celle du Collectif G15+ au développement de l’initiative Les indicateurs du bien-être au Québec, qui fait état de nombreux facteurs d’économie sociale, environnemental et autres dont dépend le bien-être des populations.

Et le métavers dans tout ça ? Si la consommation d’énergie et de données associée aux technologie de la VR inquiète les environnementalistes, force est de constater que dans beaucoup de cas, en simulant des situations et environnements, ces technologies peuvent aussi permettre d’éviter des déplacements polluants, simuler des expériences formatives et, de façon ultime, avoir des retombées positives sur leurs utilisateurs et leur milieu.

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