Le secteur du bioalimentaire au Québec se transforme. La venue de l’intelligence artificielle (IA) par le truchement de l’intégration du numérique dans le milieu devient presque inévitable. C’est pourquoi les experts se préparent déjà à affronter les risques liés à l’ingérence incontrôlée des algorithmes dans nos assiettes.
À l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (OBVIA), on rédige les dernières lignes d’un livre blanc à propos de l’application des données dans le vaste domaine qu’est le bioalimentaire.
Celui-ci sera rendu public le 11 novembre prochain, lors d’un événement organisé par le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, et les Fonds de recherche du Québec.
« L’objectif c’est d’informer les acteurs du milieu sur tous les enjeux que peuvent représenter le numérique et l’IA. On s’inscrit dans une logique de diagnostic avec une approche à valeur scientifique, basée sur les expertises de nos chercheurs », souligne Justin Lawarée, conseiller en affaires publiques à l’OBVIA.
C’est aussi en faisant intervenir ces divers « acteurs », chercheurs universitaires, chefs de file de l’industrie, directeurs de rédaction, que Éric Paquet et Marc-André Sirard, tous deux professeurs au Département des sciences animales de l’Université Laval, ont élaboré le document.
« Le maître-mot c’est la “collaboration”. Tant qu’on travaille ensemble, on pourra atteindre une vraie traçabilité des produits et une véritable protection de nos données bioalimentaires. » – Justin Lawarée, conseiller en affaires publiques, OBVIA
ENJEUX DE TAILLE
C’est parce que l’industrie sera confrontée à d’importants enjeux dans les prochaines années, qu’il était nécessaire de démarrer dès à présent une réflexion, avant qu’il ne soit trop tard.
Une de ces problématiques, la souveraineté des données, interpelle le milieu depuis quelque temps.
C’est d’ailleurs un des chevaux de bataille d’Henri-Paul Rousseau, chercheur au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations qui signe la préface du livre blanc.
« M. Rousseau soulève un point crucial… Comment pourra-t-on faire de l’IA et tirer profit de nos données en bioalimentaire si nous n’en sommes pas propriétaires et qu’elles appartiennent, par exemple, aux grands équipementiers », souligne M. Lawarée.
En effet, si la numérisation de l’industrie n’a pas atteint sa pleine transversalité, certains secteurs comme la production des aliments végétaux ont déjà complètement intégré l’utilisation des données.
Les tracteurs guidés par géolocalisation GPS, les drones qui collectent des informations sur la santé des cultures ; l’optimisation du rendement par le numérique… toutes ces pratiques s’imposent depuis plusieurs années dans le secteur.
La pénurie de main-d’œuvre qui affecte cette industrie comme toutes les autres au Québec, ainsi que des revenus amoindris par la crise sanitaire en 2020 poussent sans doute les producteurs à se tourner de plus en plus vers les nouvelles technologies.
En effet, selon le rapport Le Bioalimentaire économique : bilan de l’année 2020, publié par le gouvernement québécois, le produit intérieur brut de ce secteur a atteint 25,8 milliards l’an dernier, soit une baisse de 8,7 % par rapport à 2019.
Cette industrie qui représentait 453 084 emplois en 2020 a perdu 79 943 travailleurs par rapport à l’année précédente.
Toutefois, le livre blanc ne servira pas seulement de manuel de survie à l’industrie, selon M. Lawarée.
« L’IA peut aider les entreprises, mais aussi la société québécoise à atteindre une souveraineté alimentaire. La pandémie nous a forcés à confronter les risques liés aux échecs des chaînes d’approvisionnement. Améliorer la résilience de nos ressources et de nos producteurs locaux grâce à l’IA pourrait être une solution pour nourrir le Québec », affirme-t-il.
Crédit photo : Pexels / Flo Maderebner