[SANTÉ + IA] Des solutions révolutionnaires pour traiter des pathologies comme le cancer

[SANTÉ + IA] Des solutions révolutionnaires pour traiter des pathologies comme le cancer

Les progrès en intelligence artificielle permettent d’offrir de meilleurs soins aux patients et de simplifier le travail des pathologistes. L’École de l’IA en santé du CHUM (ÉIAS) a tenu l’événement L’IA en pathologie numérique : pour le diagnostic et le pronostic du cancer, le 7 septembre, présentant les possibilités immenses qu’annoncent ces avancées technologiques.

Le Dr Vincent Q. Trinh est pathologiste pour le service de Pathologie du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), en plus de travailler à l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie (IRIC). Durant une conférence d’une heure, il s’est penché sur les bénéfices de l’intégration des nouvelles technologies, mais aussi sur les défis inévitables qu’elles occasionnent.

La pathologie anatomique est « l’utilisation de la morphologie, c’est-à-dire une spécialité visuelle, où l’on voit des anomalies relatives aux organes et aux tissus observés au microscope, afin d’émettre des diagnostics et d’orienter le patient vers le traitement ». Les autopsies, la détection et le traitement de cancers, de maladies auto-immunes et du rejet d’organe sont des sous-spécialités de la pathologie anatomique.

Le CHUM a entrepris la transformation du département de pathologie en 2013 vers une pathologie digitale. En 2019, il est devenu le premier centre académique en Amérique du Nord a avoir réussi cette transition. La pathologie digitale permet la numérisation des lames (qui étaient auparavant physiques) pour générer des images.

« La pathologie digitale ajoute une certaine complexité (et) amène quelques nécessités additionnelles », explique le Dr Trinh. Cette transition vers le digital requiert des logiciels de numérisation, de gestion d’images, une meilleure capacité de stockage digital ainsi que du personnel dédié à la numérisation des images. Tant de changements qui demandent une plus grande quantité d’équipement et d’investissements.

Cependant, Dr Trinh relève de nombreux avantages liés à la pathologie digitale, dont une réduction d’erreurs de mauvaise identification, une simplification du partage d’images, une réduction des tâches de distribution, d’organisation et de stockage de lames physiques. « Et encore, on ne parle que du digital. C’est sans compter les avantages qu’amène l’ajout d’IA ou d’algorithmes d’aide au diagnostic », précise-t-il.

Capture d’écran tirée du direct du 7 septembre LinkedIn du CHUM

Ajouter l’IA à la pathologie

La pathologie computationnelle est « la pathologie digitale augmentée par l’optimisation du processus de numérisation et de stockage », résume Dr Trinh. C’est en pathologie computationnelle que l’on retrouve l’intégration d’outils d’analyse, d’aide au diagnostic et d’IA. Ces technologies en pleine évolution grandissent en autonomie : « Tranquillement, on se dirige vers des approches qui font perdre beaucoup moins de temps aux pathologistes et qui nécessitent une supervision minimale », ajoute-t-il.

« Tranquillement, on se dirige vers des approches qui font perdre beaucoup moins de temps aux pathologistes et qui nécessitent une supervision minimale. »

– Dr Vincent Q. Trinh, pathologiste pour le service de Pathologie du CHUM

Des avenues qui, selon lui, laissent présager un avenir prometteur : « Avec toutes ces données, les rapports de pathologie et les images qu’on génère, on peut croire à un futur (qui permettra) un accès perpétuel aux données, évidemment balisé par des règles éthiques, mais aussi à de l’innovation pour la recherche en continu. »

Avant d’émettre un diagnostic, un travail préalable se fait en trois étapes : la phase préanalytique (ce qui arrive au spécimen avant de se rendre aux images, dont l’échantillonnage, l’enregistrement, etc), la phase analytique (l’interprétation des images), et la phase post-analytique (la rédaction et la transmission du rapport).

Dr Trinh a contribué à un article faisant l’analyse des « 690 algorithmes indépendants de haute qualité publiés dans la littérature, jusqu’en 2021, en pathologie computationnelle ». 20% de ces outils servent à faire de la détection, 15% à de la classification des tissus, 34% à des diagnostics, 26% à de la segmentation et 5% à des pronostics.

« Ces 5 types d’utilisation sont principalement axés sur l’étape d’analyse des images. Par contre, seulement 17% des erreurs, en moyenne, se retrouvent durant cette étape. Ça montre à quel point toutes les autres étapes sont critiques et importantes pour le diagnostic des maladies.(…) On n’est pas encore dans l’utilisation, l’application de l’IA dans les autres étapes en pathologie, où je crois que ça pourrait vraiment aider et améliorer le diagnostic final », estime le Dr Trinh.

Le patient au cœur des décisions

Dr Trinh note la multitude d’outils développés dans les dernières années : certains aident à la détection de métastases dans les ganglions lymphatiques, d’autres classifient des tissus, facilitent l’identification de noyaux de cellules ou émettent des pronostics pour les personnes atteintes du cancer du côlon.

L’une des plus grandes percées de l’IA en pathologie, selon Dr Trinh, est une technologie contribuant à la détection du cancer de la prostate, le cancer le plus courant chez les hommes canadiens. Des experts en pathologie prostatique ont annoté manuellement une pléthore de biopsies hépatiques pour déterminer le grade de cancer de la prostate. L’algorithme entraîné à partir de ces données peut émettre un diagnostic clair, donner le grade de chaque cellule tumorale ou cancéreuse et générer un rapport automatiquement. Cet algorithme surpasse la précision de pathologistes qui sont sous spécialisés en pathologie prostatique, générant moins d’erreurs et prenant moins de temps.

Devant la multitude d’algorithmes développés, Dr Trinh propose se questionne : « Peut-on vraiment déployer tous ces algorithmes? Je ne crois pas que ce soit possible. Je pense que si l’on doit choisir ce qui est le (meilleur) algorithme, ça revient à choisir ce qui est le plus avantageux pour le patient. »

Pour le savoir, Dr Trinh avance qu’il est nécessaire de fonder sa réflexion sur deux principaux critères. Le meilleur choix sera celui qui permet le diagnostic le plus rapide et efficace, mais également, celui qui propose un diagnostic de haute qualité et précis.

https://www.cscience.ca/2023/09/05/perplexity-un-competiteur-feroce-de-chatgpt/

Faire de la pathologie computationnelle et l’IA une priorité

Quel sera le futur de la pathologie computationnelle? Dr Trinh affirme que « tout s’aligne, selon les articles produits, vers une approche qui requiert de moins en moins l’intervention du pathologiste, et pour laquelle les algorithmes vont automatiquement segmenter le tissu, sortir des zones d’intérêt pour segmenter une cellule à la fois, et générer une infinité d’informations à partir des lames pour ensuite corréler ces informations à des diagnostics ou à des pronostics spécifiques ».

« Je crois (qu’investir dans ce domaine), c’est une priorité si on veut garder le Québec dans une aussi bonne position en ce qui concerne l’IA. »

– Dr Vincent Q. Trinh, pathologiste pour le service de Pathologie du CHUM

Ces changements nécessitent une grande préparation, qui inclut la formation d’un personnel sensibilisé à la technologie, la mise en place d’infrastructures informatiques et éthiques et la sensibilisation des politiciens. « Je crois qu’investir dans ce domaine est une priorité si on veut garder le Québec dans une aussi bonne position en ce qui concerne l’IA. Les outils d’IA évoluent partout dans le monde, on sait que ça s’en vient, je pense que ça vaut la peine de préparer notre système, notre personnel et nos environnements pour l’intégration fluide de ces technologies », conclut le Dr Trinh.

Crédit Image à la Une : Capture d’écran tirée du direct du 7 septembre LinkedIn du CHUM

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