Comment valoriser les données génomiques pour accélérer le développement et la commercialisation de l’innovation en santé ? C’est la question à laquelle répondaient les invités de Philippe Régnoux et Chloé-Anne Touma, respectivement directeur de publication et rédactrice en chef de CScience, lors de la table ronde qu’ils animaient en simultané à partir de Montréal et Lyon, le 30 avril dernier.
Présentée par Génome Québec et Roche Canada dans le cadre d’Effervescence, événement phare des sciences de la vie et des technologies de la santé, la conférence mettait en vedette plusieurs sommités québécoises et françaises de la scène de la recherche en génomique et de la découverte de médicaments, qui ont pu mettre en lumière les opportunités d’innover, mais également les défis à relever pour mener cette transition vers une médecine de précision propulsée par la génomique.
Une révolution entamée pour la médecine personnalisée
L’arrivée des séquenceurs de nouvelle génération, associée à l’évolution de l’intelligence artificielle, révolutionne l’innovation en médecine de précision, allant de l’identification de gènes prédisposant à certaines maladies, au développement de modèles analytiques pour prédire l’efficacité et la sécurité des nouvelles cibles thérapeutiques, façonnant ainsi la médecine du futur.
Démystifier le génome et son apport
Le premier génome a été séquencé en son entier en 2002. « La technologie a évolué d’une façon massive ces 20 dernières années, si bien qu’on est passé d’un coût de centaines de M$ pour les génomes, à 250 $ aujourd’hui pour séquencer l’intégralité des 3G de paires de base d’un génome », expose le Dr Vincent Mooser, directeur de la Chaire d’excellence en recherche du Canada en médecine génomique à l’Université McGill, et pionnier du développement de nouveaux traitements ciblés à l’aide de données génomiques.
Ce séquençage a permis d’apprendre que les génomes se ressemblent à 99,9% (pour des personnes du même sexe). Ainsi, comme il existe près de 3 milliards de paires de bases (A-T et C-G), 3 millions de paires différencient deux individus. « Cette différence explique notre susceptibilité à développer certaines maladies, ce qui fait qu’une personne vieillit plus ou moins vite, et explique en partie la réponse aux médicaments. »
« Le cancer est une maladie de gènes, et le séquençage de débit ainsi que le fait de pouvoir couvrir de nombreux gènes mais aussi de pouvoir les analyser en profondeur, nous permet de quantifier les mutations, les anomalies présentes dans la cellule cancéreuse, de voir leur fréquence, mais aussi celles qui sont liées entre elles, ce qui rend les technologies de séquençage de nouvelles génération essentielles », amène Olivier Michielin, professeur à l’Université de Genève et chercheur spécialisé en oncologie de précision.
Agir en amont
C’est donc que l’information génomique aide à prédire les risques de maladies et, donc, à agir de manière préventive. La génomique contribue aussi à l’amélioration des traitements, au développement de nouveaux médicaments et à la réduction de temps avant l’atteinte d’un diagnostic.
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Miser sur les bons échantillons de population
L’importance des études multicentriques pour le génotypage
La prédiction, permise notamment grâce à l’apprentissage automatique, aux interactions entre les gènes et les transcriptions ARN, favorise une meilleure compréhension dese maladies et traitements. « Beaucoup de médicaments ne fonctionnent pas, non pas parce qu’ils ne sont pas efficaces, mais bien parce qu’ils ne ciblent pas la population adéquate », explique la Dre Nardin Nakhla, cofondatrice et CTO de Simmunome AI, une start-up qui génère des modèles de maladies in silico afin de capturer avec précision les processus physiologiques et ainsi prédire la probabilité de succès d’un médicament.
Dans cette logique, la question de la diversité d’ascendances génétiques devient particulièrement importante en recherche. Avoir des études multicentriques, avec des échantillons variés et diversifiés est important « si l’on veut généraliser les résultats d’une étude au plus grand nombre de patients possibles, il faut la faire dans le plus grand nombre de pays possibles », avance la Dre Johanne Tremblay, chercheuse au centre de recherche du CHUM et professeure au département de médecine de l’Université de Montréal et co-fondatrice de la société OPTITHERA.
Favoriser l’accès aux données tout en l’encadrant
Si le milieu de la santé comprend l’importance de diversifier les portraits étudiés, il demeure tout de même difficile d’obtenir des informations sur certaines populations et ascendances génétiques. Certains pays offrent un accès plus limité à leurs données, rendant plus simple de s’intéresser à des populations européennes, entre autres.
Ces données génomiques sont d’autant plus personnalisées et sensibles en contexte de séquençage nouvelle génération, combiné à l’intelligence artificielle. La Loi sur la protection des renseignements personnels (Canada) et le règlement général de protection des données (Europe) contribuent à réguler la confidentialité des renseignements personnels.
« Nous développons des tests in vitro pour détecter des cancers, et nous concentrons sur le cancer du pancréas », entame, du côté de Lyon, Dipanita Biswas, cofondatrice et CSO de Floating Genes, une société basée dans la région parisienne et spécialisée dans le diagnostic précoce du cancer. « Pour passer aux essais cliniques, nous devons transférer aux hôpitaux les données que nous avons collectées en laboratoire, puis ensuite les éliminer de nos systèmes, car nous n’avons pas le droit d’y conserver des données concernant les patients. Plus tard, nous envisageons d’offrir des services en génomique aux patients, et il faudra prévoir d’anonymiser leurs données. »
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Passer de la recherche fondamentale à la commercialisation
Pour les chercheurs, se lancer dans la commercialisation des innovation issues de leur travail de recherche fondamentale s’accompagne de défis entrepreneuriaux non négligeables. La Dre Tremblay évoque entre autres les difficultés inhérentes à l’obtention de subventions pour financer la commercialisation d’une innovation en génomique, la petitesse du marché canadien pour les innovations, et le manque d’accès à des métadonnées et à du personnel hautement qualifié.
Au-delà de ces défis, Vincent Mooser note le besoin d’être soutenu par l’industrie pharmaceutique pour poursuivre le développement d’outils de précision, mais aussi le besoin d’un plus grand nombre de médicaments et de traitements. Avec le vieillissement de la population, qui s’avère particulièrement coûteux au Québec, la génomique peut être d’une grande aide en médecine.
« La génétique, par définition, offre des réponses reliées à l’homme et pas à l’animal. Un médicament qui cible une protéine pour laquelle il y a déjà des données génétiques a deux fois plus de chances d’arriver sur le marché qu’un autre qui n’en a pas », ajoute le Dr Mooser.
L’intégration des données génomiques en milieu de soins
Investir en génomique est initialement coûteux, mais serait, sur le long terme, une solution rentable afin d’envisager une médecine moins réactive et plus préventive. Encore faut-il en démontrer ses bénéfices pour convaincre d’investir dans la recherche en amont, note la Dre Tremblay : « Il faut démontrer la validité scientifique d’un test de prédiction et son utilité clinique (…) Il faut voir si le résultat du test va modifier la façon dont les médecins et leurs patients vont réagir dans la prise en charge de leur maladie. Il faut démontrer qu’une nouvelle technologie, qui a été coûteuse à développer, va sauver des sous au système de santé (et) améliorer la qualité de vie des patients. »
« Le Canada a tous les ingrédients pour avoir un impact considérable sur la médecine de précision, mais il y a quelque chose qui me semble un peu manquant. On a besoin de données à très large échelle », lance le Dr Mooser. Il relève aussi la nécessité de voir plus de programmes de recherche et de partenariats avec l’industrie émerger pour exploiter le plein potentiel de la génomique au Canada.
Crédit Image à la Une : Les panélistes Vincent Mooser, Johanne Tremblay, Nardin Nakhla, Philippe Régnoux, Chloé-Anne Touma lors de la conférence présentée par Génome Québec et Roche Canada à EFFERVESCENCE 2024
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