Combattre l’anglicisation de l’IA avec un lexique

Combattre l’anglicisation de l’IA avec un lexique

Voulant répondre au problème de « l’anglicisation galopante » dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), une OSBL a créé le plus étoffé lexique francophone dédié à ce champ scientifique.

Trois ans après son lancement, le grand Lexique de l’IA et de la science des données compte aujourd’hui près de 3000 entrées et une centaine de thèmes, en faisant la source la plus complète de vocabulaire français dans un secteur de l’innovation où la langue de Shakespeare est nettement plus répandue que celle de Molière.

« Même au Québec, c’est une industrie où tout se passe en anglais; on a l’impression d’être de retour dans l’industrie automobile durant les années 1950 » – Gérard Pelletier, directeur général, DataFranca

Toutefois, au lieu de s’arrêter à ce constat et à sermonner l’industrie et les chercheurs en IA et science des données, l’équipe chez DataFranca.org a décidé de mettre sur pied cet outil pour faciliter la francisation dans les salles de classe et les bureaux.

« On voulait répondre rapidement aux besoins des entreprises du milieu de l’enseignement. Je trouve désolant que la formation en science des données et en IA se fasse plus souvent qu’autrement en anglais dans nos universités », insiste Gérard Pelletier, directeur général de DataFranca.

En effet, l’OSBL constate que les « seuls cours en IA de niveau universitaire avancé ne [sont] dispensés qu’en anglais » et craint « une appropriation technologique qui a pour effet de concentrer l’enseignement et la recherche en IA uniquement en anglais ».

Le Lexique bénéficie de l’appui du Scientifique en chef du Québec, ainsi que d’un financement des Fonds de recherche du Québec et de l’Office québécois de la langue française (OQLF).

« Posséder un vocabulaire français commun en science des données et en IA constitue un prérequis évident pour l’enseignement et la recherche scientifique en français», affirme pour sa part, Rémi Quirion, Scientifique en chef du Québec.

Rappelons que l’OQLF a aussi créé une page sur laquelle se retrouve près d’une centaine de termes liés à l’IA.

IMMIGRATION ET ANGLICISATION

M. Pelletier espère que le lexique permettra de changer les tendances dans les milieux universitaires et du travail. Dans un premier lieu, en démontrant qu’il est possible d’enseigner l’IA en français, puis dans un deuxième, en assurant que les talents locaux restent ici.

« Les gens sont formés en anglais au Québec, puis ils s’en vont trouver un emploi aux États-Unis. Ensuite on fait des pieds et des mains pour attirer des immigrants pour travailler ici, sans leur demander de maîtriser le français »– Gérard Pelletier

Effectivement, au début de 2021, le gouvernement provincial a annoncé une nouvelle campagne de recrutement des travailleurs à l’étranger dans le secteur des technologies de l’information à la hauteur de 19 M$.

Selon le ministre du Travail Jean Boulet, il y aurait plus de 6500 postes à pourvoir au Québec dans ce domaine.

Mais comme le remarque l’équipe de DataFranca, le Ministère de l’Immigration du Québec n’exige pas des demandeurs immigrants en IA une connaissance suffisante du français pour accéder aux programmes d’immigration accélérés.

De plus, ces efforts de recrutement sont faits tandis que l’anglais semble plus populaire que le français auprès des PME du domaine de l’innovation.

C’est ce que rapportait en avril dernier le quotidien Le Devoir dans un article où l’on apprenait que plus de la moitié des jeunes pousses montréalaises en IA et technologies disruptives s’affichent de façon unilingue en anglais sur leur site internet.

Crédit photo: Pexels/Kampus production