Éducation : l’IA au service de l’empathie et de l’intégration des nouveaux arrivants

Éducation : l’IA au service de l’empathie et de l’intégration des nouveaux arrivants

Dans le cadre du nouveau cours de Culture et citoyenneté québécoise (CCQ), qui inclut des volets sur les nouvelles technologies, le professeur Jean-Simon Roy du Collège Sainte-Anne de Lachine a initié un projet novateur. Celui-ci marie intelligence artificielle (IA) et empathie, contribuant à sensibiliser les élèves aux défis sociaux contemporains et à développer des compétences clés dans un contexte technologique en constante évolution.

Le projet de classe, dédié aux élèves de première secondaire, émane d’une réflexion qu’a mené le professeur Jean-Simon Roy, l’an dernier, sur les enjeux liés aux réfugiés et aux crises migratoires impliquant le chemin Roxam. « Au lieu d’aborder ces enjeux de manière superficielle ou informative, pourquoi ne pas essayer de trouver des solutions? », s’est-il interrogé.

De là s’est dessiné le concept : des élèves créent en classe des guides pour faciliter l’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants, en abordant différentes thématiques portant notamment sur les institutions (éducatives, politiques, sociosanitaires), les ressources alimentaires, les coutumes et les traditions retrouvées au Québec.

« Je me demandais comment ce projet pourrait aller plus loin et inclure encore plus le numérique, dont l’intelligence artificielle », raconte le professeur. En collaboration avec le technopédagogue et conseiller en intelligence du collège, Keivan Farzaneh, le projet de faire un robot conversationnel, grâce à l’application Microsoft Power Agent, pouvant répondre aux questions des nouveaux arrivants est ainsi né.

Développer des outils d’IA, un exercice d’empathie

M. Roy explique que l’alliance entre son expérience passée de remplacement dans des classes d’accueil et son grand intérêt pour les nouvelles technologies a fait naître chez lui l’étincelle pour ce projet qui rassemble solution, innovation et technologie. L’IA « fait vraiment beaucoup de vagues en ce moment en éducation, mais c’est très important pour moi en tant qu’enseignant que l’utilisation de l’intelligence artificielle se fasse dans une perspective de solutionnisme et d’humanisme », pour entre autres réduire différents écarts sociaux plutôt que les creuser, explique-t-il.

ChatGPT : utiliser l’outil de manière responsable en éducation

Pour renforcer la composante humaine, assortie au développement responsable des technologies, un éventuel troisième volet au projet est cours de développement afin que les étudiants puissent rencontrer des groupes de nouveaux arrivants pour échanger avec eux, leur présenter leurs guides et leurs robots conversationnels (chatbots). « On parle souvent des systèmes d’éducation à deux ou trois vitesses. On est dans une école privée, il y a une certaine forme de privilège, d’avantage, d’accès à des ressources (en étant) ici », reconnaît M. Roy, qui souhaite que le projet ait un impact à l’extérieur des murs du collège.

Réfléchissant également à l’influence des nouvelles technologies sur le « développement cognitif et émotionnel » de ses élèves, M. Roy avance que l’utilisation de l’IA dans ses classes leur permet d’enrichir des compétences clés en lien avec cet outil technologique, qui prend une place grandissante dans leur vie. Le renforcement de leur esprit critique (leur permettant notamment de juger de la pertinence d’une technologie pour la société), de leurs connaissances sur l’utilisation de l’IA, de leur capacité d’adaptation et de leur empathie est noté comme essentiel aux yeux du professeur.

« (Créer un chatbot) a vraiment travaillé notre empathie et notre citoyenneté. (…) On s’est mis à la place des nouveaux arrivants (qui représentent) la future génération de notre société. »

– Lilya Agoumi, élève de secondaire 1 au Collège Sainte-Anne

En s’arrêtant à une considération sur les questions que pourrait avoir une personne nouvellement arrivée au Québec, Lilya Agoumi, élève de première secondaire, considère que la création d’un chatbot est un exercice qui « a vraiment travaillé (son) empathie et (sa) citoyenneté (…) On s’est mis à la place des nouveaux arrivants (qui représentent) la future génération de notre société », alors que les bilans d’immigration connaissent une grande hausse depuis le ralentissement de la pandémie de COVID-19.

« On vient créer un pont avec l’autre. Je ne dis pas non plus que c’est une solution impeccable, mais c’est déjà un premier pas qui nous permet de nous mettre à la place de l’autre et de développer des capacités comme l’empathie, le courage, l’intérêt, la curiosité », ajoute le professeur.

IA en classe : défis et adaptation

Que les élèves aient ou non des connaissances préalables sur les robots conversationnels, ils ont montré de l’intérêt et de la curiosité pour cette technologie qu’ils se sont rapidement appropriée, rapporte M. Roy.

« Je n’utilise pas l’IA, à part peut-être sur des applications ou des réseaux sociaux qui commencent à l’introduire de manière plus fréquente, mais en classe, c’était vraiment un moyen pour nous d’apprendre non seulement comment l’utiliser, mais aussi quelles sont les idées derrière ça (…) Je pense que c’est une bonne idée de commencer en première secondaire, pour les sensibiliser plus tôt à cette partie intégrante de la société », croit Lilya. Yi Chen, elle aussi élève de Jean-Simon Roy, abonde dans le même sens : « Je pense que puisque la technologie s’intègre de plus en plus dans notre vie, il faut qu’on s’y sensibilise plus jeune qu’auparavant. »

L’éducation numérique est une urgence !

Sensible à l’importance de la place des outils technologiques dans le parcours de ses élèves, M. Roy souligne le défi de parler de cette technologie en classe, alors que l’offre de formations pour le corps professoral en matière d’IA est limitée. « En tant qu’enseignant, on se fait un peu balancer ça dans notre cour parce qu’on forme et on éduque les prochaines générations, mais on n’a pas toujours les réponses aux différentes questions qui sont soulevées quant à l’intelligence artificielle et leurs impacts dans la société, que ce soit à court, moyen ou long terme. Donc, on peut essayer d’émettre des hypothèses, de prédire, mais c’est très difficile de savoir ce qui va se passer dans le futur », constate-t-il.

« Ce qui est vraiment important pour moi, en tant qu’enseignant, c’est aussi de me concentrer sur ce que le passé nous a appris dans l’histoire. C’est très important, peu importe l’innovation qui arrive dans la société, de se concentrer sur la capacité d’adaptation des élèves, leur pensée critique et leur citoyenneté », résume Jean-Simon. Lilya est également de cet avis : « En se basant sur les évolutions et les erreurs qu’on a faites dans le passé, on peut s’aider à construire le futur avec toutes ces technologies », conclut l’élève.

Crédit Image à la Une : Roxanne Lachapelle

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